★★★★ « Comme un film », très beau « Melo movie » coréen. 멜로무비

« Comme un film » s’éloigne du modèle traditionnel des k-dramas en adoptant un ton résolument mélodramatique, d’où son titre international Melo Movie. Contrairement aux romances coréennes habituelles qui équilibrent amour, humour et personnages secondaires attachants, cette œuvre se distingue par une ambiance plus mélancolique et contemplative, rappelant le style du cinéma d’auteur européen. Loin des récits rythmés par des rebondissements exagérés et des instants de légèreté, la série privilégie une atmosphère sobre où les émotions se diffusent en filigrane, portées par une mise en scène épurée et une photographie particulièrement travaillée.

L’histoire suit Kim Mu-Bi, une assistante réalisatrice déterminée à percer dans le monde du cinéma, et Go Gyeom, un cinéphile averti et interprète de seconds rôles qui s’est reconverti en critique cinématographique. Leur rencontre sur un tournage ravive des sentiments interrompus des années auparavant (un baiser dans une ruelle colorée) et les confronte aux désillusions liées à leurs choix de vie. Entre amour, regrets et ambitions contrariées, Comme un film explore la tension entre les rêves d’adolescence et les compromis imposés par la réalité adulte.

Mais l’histoire de Go Gyeom et Mu-Bi ne se limite pas à une simple séparation due au temps et aux circonstances. Derrière le premier départ de Gyeom se cache une tragédie familiale : son frère aîné, autrefois son modèle, a été victime d’un grave accident qui l’a laissé en fauteuil roulant. Cet événement a bouleversé la vie de Go Gyeom, le poussant à quitter sa carrière d’acteur pour soutenir son frère et mettant un frein brutal à sa relation avec Mu-Bi. Incapable de concilier son amour naissant et ses responsabilités, il a choisi de s’éloigner, laissant derrière lui une Mu-Bi blessée et marquée par un sentiment d’abandon.

Cette blessure vient raviver une peur profonde chez Mu-Bi, celle d’être laissée pour compte. Ayant grandi avec un père technicien de cinéma constamment absent, elle a appris à se méfier des attachements trop forts, de peur qu’ils ne soient qu’éphémères. Ainsi, bien qu’elle ressente toujours une attirance indéniable pour Gyeom, elle se refuse à lui avouer ses véritables sentiments, redoutant inconsciemment qu’il ne disparaisse à nouveau. La série tisse alors un jeu d’ombres et de non-dits entre les deux personnages, où chaque regard et chaque silence expriment plus que les mots.

La cinéphilie est aussi un élément central du récit, mais traitée avec une profondeur plus introspective que dans les k-dramas habituels. Go Gyeom ne se contente pas d’aimer le cinéma, il le vit et en est imprégné, à la fois comme un moteur de sa passion et un prisme à travers lequel il appréhende le monde. Go Gyeom exprime une nostalgie du cinéma d’auteur, regrettant l’uniformisation du secteur, tandis que Mu-Bi, confrontée aux contraintes du financement et de la production, oscille entre enthousiasme et découragement. Leur relation elle-même suit une trame digne d’un vieux film d’amour, entre silences évocateurs et regards chargés de sous-entendus.

Les relations parents-enfants sont un autre axe majeur du récit, notamment à travers le personnage de Mu-Bi, marquée par l’absence de son père. Cette distance l’a poussée à suivre la même voie tout en nourrissant un certain ressentiment envers un milieu qui lui a pris son enfance. Comme un film interroge ainsi l’impact de l’absence parentale sur la construction de soi, et la manière dont les choix familiaux influencent inconsciemment les aspirations et les trajectoires personnelles.

L’industrie cinématographique coréenne est dépeinte avec un certain réalisme, loin du glamour souvent fantasmé. Entre budgets serrés, luttes pour imposer une vision artistique et pression des attentes commerciales, le monde du cinéma est présenté comme un espace de conflits et de désillusions, où la passion doit constamment composer avec la réalité. La série offre ainsi un regard en coulisses sur les défis auxquels sont confrontés les jeunes professionnels du secteur, confrontés à la dureté du métier et à la nécessité de renoncer à certaines illusions.

Le passage de l’adolescence à l’âge adulte est traité non pas comme une évolution classique, mais plutôt comme un constat amer : grandir, c’est parfois accepter de revoir ses rêves à la baisse. Mu-Bi et Go Gyeom sont à une étape de leur vie où l’idéal se heurte au pragmatisme, où la passion doit s’adapter aux contingences du quotidien. Leurs amis connaissent les même désillusions. Leur cheminement est fait de doutes, de concessions et d’une maturité qui ne se traduit pas par un triomphe éclatant, mais plutôt par une redéfinition progressive de leurs aspirations.
Contrairement aux k-dramas qui valorisent souvent la persévérance et l’accomplissement à travers le travail acharné, Comme un film adopte une posture plus nuancée, suggérant que la réussite ne passe pas forcément par l’atteinte de ses objectifs initiaux, mais parfois par la capacité à les transformer en quelque chose de plus en accord avec soi-même.

Avec Choi Woo-Sik et Park Bo-Young dans les rôles principaux, la série se distingue par son approche introspective et sa réalisation soignée. En s’éloignant des conventions habituelles du k-drama, Comme un film propose une réflexion poignante sur l’amour, le poids des responsabilités, la peur de l’abandon et la façon dont le passé continue d’influencer les choix du présent. Offrant une expérience immersive et mélancolique, elle laisse une empreinte durable, bien après le générique de fin.

Les comédiens

  • Choi Woo-sik dans le rôle de Go Gyeom : Connu pour ses performances dans des œuvres telles que « Parasite », Choi Woo-sik incarne ici un ancien acteur de seconds rôles devenu critique de cinéma.
  • Park Bo-young dans le rôle de Kim Mu-Bi : Révélée par des séries comme « Strong Woman Do Bong Soon », Park Bo-young interprète une assistante réalisatrice aspirant à devenir réalisatrice.
  • Lee Jun-young dans le rôle de Hong Shi-Joon : Acteur et chanteur, membre du groupe U-KISS, Lee Jun-young apporte sa polyvalence au personnage de Hong Shi-Joon.
  • Jeon So-nee dans le rôle de Son Joo-Ah : Connue pour son rôle dans « When My Love Blooms », Jeon So-nee incarne Son Joo-Ah, ajoutant profondeur et émotion à la série.
  • Kim Jae-wook : Acteur reconnu pour ses rôles dans « Her Private Life » et « Coffee Prince », Kim Jae-wook interprète le frère ainé de Go-Gyeom.

Auteur : Lee Na-eun
Réalisateur : Oh Chung-hwan, connu pour son travail sur « Hotel Del Luna »
Musique: Park Se-joon
Producteurs exécutifs : Kwon Mi-kyung et Jang Seo-woo
Producteur : Choi Joon-ho
Photographie : Kim Gi-ho, Lee Soo-kwang et Kim Gil-tae
Montage : Kim Sang-hee et Sa Rang
Production : Studio N

Le 7ème art et la Corée du Sud

La cinéphilie des Coréens est à la fois passionnée, éclectique et profondément enracinée dans l’histoire culturelle et politique du pays. Le public coréen est reconnu pour son exigence en matière de qualité cinématographique. Contrairement à d’autres marchés dominés par les blockbusters hollywoodiens, les spectateurs apprécient une grande variété de films, des superproductions locales aux récits plus intimistes en passant par les thrillers et les films d’auteur. Le scénario, la mise en scène et l’originalité sont des critères essentiels qui influencent leur réception d’un film et poussent les réalisateurs à innover sans cesse.

La Corée du Sud possède l’un des taux de fréquentation cinématographique les plus élevés au monde. Les Coréens se rendent régulièrement dans les salles obscures, qui sont omniprésentes dans tout le pays. Les multiplexes modernes, gérés par des géants comme CJ CGV, Lotte Cinema ou Megabox, offrent des expériences de projection immersives, notamment en 4DX, IMAX ou ScreenX, ce qui fidélise un public amateur de sensations fortes et d’innovation technologique. Ce phénomène est soutenu par une industrie du cinéma dynamique et diversifiée, qui a su imposer ses propres films face à la domination hollywoodienne. Le cinéma coréen produit des œuvres de grande qualité qui rivalisent en ambition avec celles des États-Unis. Des réalisateurs comme Bong Joon-ho, Park Chan-wook ou Kim Jee-woon sont adulés en Corée comme à l’étranger, témoignant d’une cinématographie riche et audacieuse. L’industrie bénéficie d’un soutien institutionnel à travers le Korean Film Council (KOFIC), qui joue un rôle clé dans la promotion et la préservation du cinéma national.

Les spectateurs coréens se distinguent également par leur attrait pour les genres hybrides et les récits non conventionnels. Le cinéma coréen excelle dans le mélange des tonalités et la subversion des codes. Thriller social, horreur psychologique, drame historique ou comédie noire, les films coréens aiment brouiller les frontières entre les genres et surprendre leur public. Ce goût pour l’expérimentation et la prise de risque est le reflet d’un public qui apprécie les récits originaux et émotionnellement puissants. Ce phénomène est aussi influencé par l’histoire contemporaine du pays. Les films traitant des traumatismes historiques tels que la dictature, la guerre de Corée ou le soulèvement de Gwangju trouvent un écho particulier auprès des spectateurs. Des films comme The Attorney ou 1987: When the Day Comes ont ainsi connu un immense succès en raison de leur résonance avec les réalités sociales et politiques du pays.

La consommation de films étrangers est également un élément clé de la cinéphilie coréenne. Si les productions hollywoodiennes occupent une place importante, les spectateurs coréens montrent aussi un vif intérêt pour le cinéma européen, japonais et chinois. Des réalisateurs comme Christopher Nolan ou Quentin Tarantino possèdent une solide base de fans, tout comme certains cinéastes français tels que Léos Carax ou Olivier Assayas. Cette ouverture au cinéma international est renforcée par la présence de nombreux festivals prestigieux, notamment le Festival international du film de Busan (BIFF), qui est l’un des plus grands événements cinématographiques d’Asie. Ce festival est un rendez-vous incontournable pour les cinéphiles coréens et offre une plateforme essentielle pour les films d’auteur venus du monde entier.

Avec l’essor des plateformes de streaming comme Netflix, TVING ou Watcha, la cinéphilie coréenne s’est encore diversifiée. Ces services permettent aux spectateurs d’accéder plus rapidement à des films internationaux et de découvrir des productions indépendantes autrefois limitées aux festivals et aux salles d’art et d’essai. Ce changement de mode de consommation favorise une plus grande diversité dans les choix cinématographiques et encourage l’émergence de nouvelles tendances. En parallèle, le succès du cinéma coréen à l’étranger a également renforcé la fierté nationale, incitant le public local à soutenir ses productions et à célébrer le talent de ses cinéastes.

La cinéphilie des Coréens se distingue par un amour profond du cinéma sous toutes ses formes, une curiosité pour les récits hybrides, une sensibilité aux histoires sociales et historiques, et une habitude de consommation qui allie blockbusters et films d’auteur. Cette culture cinématographique dynamique a favorisé le succès mondial du cinéma coréen et continue d’influencer les tendances du marché international, consolidant la Corée du Sud comme l’un des centres majeurs de la production cinématographique mondiale.

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