
Hyper Knife plonge au cœur de la neurochirurgie et explore les zones grises de l’éthique médicale, les tensions du pouvoir, les dérapages de la vocation. Dans cet univers où la mort est une interlocutrice quotidienne, la série suit deux figures liées par une obsession commune : le professeur Choi Deok-hee, neurochirurgien charismatique, et sa jeune élève Jung Se-ok, tout aussi brillante qu’imprévisible. Entre eux, une relation complexe se tisse, faite d’admiration, de défi, de fascination et de rupture. L’excellence devient dépendance, et l’apprentissage, une initiation violente qui consume peu à peu leurs repères.
Tout commence dans une clinique abandonnée. Une opération illégale va avoir lieu, sous haute surveillance. Le matériel est flambant neuf, la tension palpable. Jung Se-ok, au scalpel, sauve la vie d’un patient important mais peu recommandable. La scène est clinique, glaçante, et laisse entrevoir les zones d’ombre dans lesquelles la série va s’enfoncer.
Retour en arrière. Dans un prestigieux hôpital universitaire de Séoul, Choi Deok-hee règne sans partage sur le service de neurochirurgie. Figure quasi mythique, admiré pour ses prouesses techniques autant que redouté pour son intransigeance, il masque sous son assurance une faille insondable. C’est là que Jung Se-ok, jeune médecin au regard affûté et aux gestes sûrs, rejoint son service. Leur rencontre est un choc : deux esprits exceptionnels, deux ego puissants, deux trajectoires appelées à s’enlacer autant qu’à se heurter.

La relation évolue vite, franchissant les bornes traditionnelles du lien maître-élève. Ce n’est plus seulement de médecine qu’il s’agit, mais de foi dans une science poussée jusqu’à ses extrêmes, où l’éthique devient un obstacle plus qu’un guide. Lorsqu’un jour, Jung Se-ok remplace un collègue et opère un proche du professeur sans son autorisation, l’équilibre bascule. L’humiliation publique, la colère, la confrontation brutale : elle tente de l’étrangler. Elle est radiée, exclue. Sa carrière est brisée.

Privée de son droit d’exercer, rongée par l’humiliation, Jung Se-ok glisse peu à peu vers un monde parallèle : celui des blocs clandestins, dissimulés dans des sous-sols immaculés, au service de clients intouchables. Le scalpel reste son outil, mais l’environnement change. Le jour, elle est pharmacienne dans un quartier paisible. La nuit, elle opère, frénétique, lucide, dégoûtée par ceux qui la paient, mais incapable de renoncer.

À travers son parcours, Hyper Knife expose sans détour la corruption systémique qui gangrène l’hôpital : carrières verrouillées, intérêts croisés, politiques de prestige. Le pouvoir médical devient une arène où les manipulateurs prospèrent, et où les idéalistes se consument. Jung Se-ok découvre qu’on peut être géniale et vulnérable, que le savoir seul ne protège de rien.
Dans l’ombre, Choi Deok-hee observe. Leur lien, brisé mais intact, traverse la série en éclats de mémoire, en regards absents, en gestes inachevés. Flash-backs et retours à la surface rythment cette tension croissante. Entre eux, rien n’est terminé. Admiration, rancune, besoin l’un de l’autre. Jusqu’à ce qu’un jour, lui, le maître, la contacte : il est mourant. Et il veut qu’elle l’opère.

La série s’appuie sur une réalisation maîtrisée, une photographie glacée qui épouse les méandres du cerveau comme ceux de la conscience. Le jeu des acteurs est tendu, précis, presque dangereux. Hyper Knife n’est pas une série médicale au sens classique. C’est un thriller psychologique, une tragédie moderne, un conte chirurgical aux accents sombres. Elle fascine autant qu’elle dérange, posant la question brutale : que reste-t-il du soin quand la perfection devient une obsession, et que la science dévore ceux qui la servent ?

Les comédiens
- Park Eun-bin dans le rôle de Jung Se-ok
Une chirurgienne du cerveau de l’ombre qui a tout appris d’un neurochirurgien de génie - Seol Kyeong-gu dans le rôle de Choi Deok-hee
Un neurochirurgien et ancien mentor de Se-ok. - Yoon Chan-young dans le rôle de Seo Young-ju
L’allié de Se-ok qui est toujours à ses côtés. - Park Byeong-eun dans le rôle de Han Hyun-ho
Un anesthésiste. - Kang Ji-eun dans le rôle de Madame Ra
Personnage lié au monde des affaires et des réseaux occultes, elle finance les chirurgies hors protocole pour des patients intouchables.

Auteur : Kim Sun-hee
Réalisateur : Kim Jung-hyun
Musique : Beak Eun-woo
Production : CJ ENM Studios, Dongpung Co., Ltd. & Blaad Studios.

Une analogie très personnelle
avec le cinéma fantastique français des années 50/60
Hyper Knife reprend clairement mais peut-être inconsciemment certains codes esthétiques et émotionnels du cinéma fantastique français des années 1950/60, en particulier des œuvres de Georges Franju, comme Les Yeux sans visage (1960), film qui mêlait déjà la froideur chirurgicale à une atmosphère onirique, macabre et profondément mélancolique.
Dans Hyper Knife, ce rappel est perceptible à plusieurs niveaux.
D’abord visuellement. Comme chez Franju, la mise en scène joue sur le contraste entre la blancheur clinique de la science et une imagerie presque irréelle, parfois gothique. Les salles d’opération y sont filmées avec un soin maniaque, presque fétichiste, mais toujours avec une tension sourde. Les personnages évoluent souvent dans des décors aseptisés où l’angoisse monte sans éclats, comme dans un cauchemar retenu. Il y a des couloirs vides, des masques chirurgicaux figés, des visages inexpressifs (sauf quand Park Eun-bin s’apprête à opérer, ses yeux illuminent le plan), des plans fixes très composés — autant d’éléments qui rappellent l’ambiance hypnotique et troublante du cinéma de Franju. Il y a même les chiens…
Chez Franju, la chirurgie devient presque un acte sacrilège, un pacte entre le savoir et le sacrilège. On retrouve exactement cela dans Hyper Knife, où les opérations clandestines évoquent des rituels secrets, et où la quête de perfection médicale devient une forme de transgression du vivant. Le personnage de Han Jin-woo a d’ailleurs quelque chose du savant visionnaire et borderline, à la fois admirable et inquiétant — une figure franjuesque par excellence. Mais ici, il ne s’agit pas de savants fous. Ce sont des médecins extraordinairement performants, admirés, redoutés, obsédés par l’idée de l’absolu. Leur “folie” ne vient pas d’un délire mystique ou d’un isolement caricatural, mais de leur manière d’écraser ceux qui ralentissent leur marche vers l’idéal. Ils ne supportent ni la médiocrité, ni l’erreur, ni les obstacles humains — ce qui les rend terriblement dangereux.
Il faut aussi préciser que Hyper Knife n’est pas un fantastique avec des monstres mutants ni des revenants. Rien de surnaturel n’intervient. Ce qui fait peur ici, c’est le réel, mais vu sous un jour trouble, malade, opaque. C’est la réalité hospitalière, institutionnelle, psychique, passée au filtre de l’obsession, de la manipulation, de la surperformance, mais c’est aussi le monde underground qu’elle côtoie. Elle est impertinente, y compris avec des caïds du milieu, on peut s’attendre au pire ! L’étrangeté vient de cette tension continue entre ce que l’on perçoit comme normal — un hôpital, un enseignant, une opération — et ce que ces lieux et fonctions deviennent lorsqu’ils sont investis par des pulsions extrêmes et hors des conventions.
Il sauve des vies mais peuvent éliminer qui se met en travers de leur chemin.
Enfin, le traitement du fantastique — ou plutôt de ce que l’on pourrait appeler le “fantastique intérieur” — est similaire à celui de Franju. Il n’y a pas de surnaturel explicite dans Hyper Knife, mais une constante impression d’étrangeté, d’irréalité subtile. Cette ambiance est accentuée par la bande originale aux influences françaises, les dialogues parfois rares, les silences lourds, et cette sensation que les personnages sont enfermés dans leur propre tête.

Et puis, il ne faut pas oublier que la série s’inscrit aussi pleinement dans la mouvance actuelle du cinéma et des séries coréennes : une certaine radicalité dans la violence, la représentation crue du sang, du corps en souffrance, du choc visuel. Certaines scènes rendent hommage de manière directe au cinéma gore, avec des plans de visages éclaboussés de sang ou de corps étalés dans la lumière froide d’un bloc opératoire. Il ne s’agit pas d’horreur gratuite, mais d’un recours esthétique à la brutalité pour souligner la gravité de certains choix, de certaines fautes, ou simplement pour rappeler que l’humain, ici, est toujours à nu, vulnérable, et profondément exposé.

Georges Franju disait : “Je suis pour un fantastique qui dérange.” C’est exactement ce que réussit Hyper Knife. Elle dérange non pas par ce qu’elle montre, mais par ce qu’elle fait ressentir — cette inquiétante étrangeté qui rôde derrière la perfection technique, cette impression que le scalpel peut autant libérer que damner.






