★★★★★ Halte au harcèlement scolaire – The Glory : une vengeance en silence, jouée comme une partie de baduk, 더 글로리

Le thème principal de The Glory est centrée sur la vengeance minutieusement orchestrée d’une femme dont la jeunesse a été brisée par la cruauté. La série suit le parcours de Moon Dong-eun, une jeune fille autrefois brillante et pleine de promesses, qui subit des violences extrêmes à l’école de la part de camarades issus de familles riches et influentes. Face à l’indifférence des adultes, notamment sa mère, les enseignants et de la police, elle est contrainte d’abandonner ses études et de survivre seule, brisée mais déterminée.

Des années plus tard, Dong-eun refait surface dans la vie de ses bourreaux. Elle s’est préparée pendant toute une décennie, mentalement, physiquement et stratégiquement, pour faire tomber un à un ceux qui l’ont détruite. Elle devient institutrice dans l’école fréquentée par la fille de son ancienne tortionnaire, Park Yeon-jin, une femme devenue présentatrice météo, mariée à un homme puissant et protégée par les siens. Dong-eun infiltre leur monde petit à petit, établissant un plan d’une précision implacable pour que chacun paie à la hauteur de sa cruauté passée.

Le harcèlement scolaire est au cœur de la série, non pas simplement comme toile de fond, mais comme blessure vive, comme point de départ d’un enchaînement tragique. Ce que Dong-eun a subi dépasse la simple brimade : on parle de torture psychologique et physique, infligée sous le regard complice des adultes. Cette violence est montrée de manière frontale, crue, sans détour, soulignant à quel point elle peut marquer un individu à vie.

La série s’inscrit aussi dans la tradition des récits de vengeance à la Comte de Monte-Cristo, avec un personnage principal qui revient dans la vie de ses agresseurs avec un plan millimétré et une volonté de fer. Dong-eun ne cherche pas le pardon, elle ne veut pas tourner la page : elle veut que la souffrance soit rendue à ceux qui l’ont infligée, et que justice soit faite là où la société a échoué. Contrairement à d’autres figures classiques de ce type, elle reste profondément humaine, tiraillée entre son désir de vengeance et les liens qu’elle tisse malgré elle, notamment avec Joo Yeo-jeong, un médecin qui lui-même porte ses propres blessures et devient son complice.

À travers cette histoire, The Glory aborde aussi la corruption endémique des classes dirigeantes. Les agresseurs de Dong-eun ont pu agir en toute impunité parce que leurs familles avaient de l’argent, du pouvoir et des connexions. La série montre comment l’élite manipule les institutions pour échapper à toute forme de responsabilité : les policiers ferment les yeux, les enseignants se taisent, les hôpitaux falsifient des dossiers. Cette critique sociale traverse toute l’intrigue et donne une dimension politique à la quête de Dong-eun, qui devient alors une lutte contre un système complice. Mais cette quête a un prix. Elle est solitaire, destructrice, et on ressent à chaque instant le poids du traumatisme sur ses épaules.

Une attaque de l’intérieur

Moon Dong-eun n’attaque pas de front : elle infiltre, elle observe, puis elle utilise les failles internes du groupe de ses bourreaux, et parmi ces failles, les différences de classe sont les plus acérées. En apparence, ses anciens agresseurs forment un cercle soudé, unis par un passé criminel et une jeunesse dorée. Mais en réalité, ce groupe est profondément fracturé, et Dong-eun en joue avec une grande efficacité.

Elle met notamment en lumière la hiérarchie invisible qui structure leur amitié toxique : Park Yeon-jin, Lee Sa-ra et Jeon Jae-joon sont les membres du noyau dur, ceux qui appartiennent à la classe supérieure. Ils ont grandi dans l’opulence, sont socialement protégés, et se croient intouchables. Yeon-jin, en particulier, incarne cette arrogance sociale qui pense que tout peut s’acheter : le silence, la loyauté, la réputation. Lee Sa-ra, la fille de pasteur, est une artiste toxicomane dont les frasques sont constamment couvertes par son statut familial, tandis que Jeon Jae-joon, riche héritier violent et impulsif, méprise ouvertement ceux qui n’appartiennent pas à son monde.

À côté d’eux, il y a les « alliés de seconde zone », Choi Hye-jeong et Son Myeong-oh, issus de milieux beaucoup plus modestes. Leur présence dans le groupe repose sur une illusion : ils pensent en faire partie parce qu’ils en partagent les souvenirs, mais en réalité, ils ne sont là que tant qu’ils sont utiles. Dong-eun comprend très vite que leur position est précaire, que leur loyauté est achetable, négociable. Elle sème le doute, attise les rivalités, et met en évidence leur désir de reconnaissance. C’est en exploitant ces tensions de classe — ce ressentiment latent, cette jalousie que les pauvres nourrissent envers les riches qu’ils servent — qu’elle fissure leur unité.

Ce jeu sur les rapports de pouvoir est l’un des ressorts dramatiques les plus efficaces de la série. La vengeance de Dong-eun n’est pas seulement une riposte personnelle : c’est une mise à nu des dynamiques sociales, une démonstration méthodique de la manière dont une micro-société, pourtant liée par un passé commun, peut être détruite de l’intérieur quand les privilèges de classe sont exposés. Elle ne fait que réactiver ce qui était déjà là : la peur de tomber, le mépris caché, la trahison en germe.

Cette stratégie donne à The Glory une portée plus large : elle interroge ce que vaut réellement une amitié cimentée par la violence, et ce que la société coréenne (et au-delà) accepte ou tait pour préserver les apparences des élites. Le fait que Dong-eun utilise les divisions sociales, qu’elle retourne contre eux les codes mêmes qui les protégeaient, confère à sa vengeance une dimension presque symbolique, politique, profondément ironique. C’est en les forçant à se regarder tels qu’ils sont – non pas en tant que groupe, mais en tant qu’individus pourris de privilèges ou de frustrations – qu’elle gagne.

Les comédiens

Song Hye-kyo incarne Moon Dong-eun, la protagoniste principale, une femme déterminée à se venger après avoir été victime de harcèlement scolaire. Elle est également connue pour ses rôles dans des séries telles que Descendants of the Sun et Full House. ​

Lee Do-hyun joue Joo Yeo-jeong, un chirurgien plasticien qui devient l’allié de Dong-eun dans sa quête de vengeance. Il a précédemment joué dans des séries comme 18 Again et Youth of May. ​

Lim Ji-yeon interprète Park Yeon-jin, la principale ennemie et ancienne harceleuse de Dong-eun.

Yeom Hye-ran joue Kang Hyeon-nam, une femme battue qui aide Dong-eun dans son plan de vengeance.

Park Sung-hoon incarne Jeon Jae-joon, un des anciens harceleurs de Dong-eun, issu d’un milieu aisé.​

Jung Sung-il joue Ha Do-yeong, le mari de Park Yeon-jin, dont la vie est bouleversée par les révélations de Dong-eun.​

Kim Hieora interprète Lee Sa-ra, une artiste peintre et membre du groupe d’anciens harceleurs, aux prises avec des problèmes de dépendance à la drogue.

Cha Joo-young joue Choi Hye-jeong, une ancienne harceleuse issue d’un milieu modeste, qui cherche à s’élever socialement.​

Kim Gun-woo incarne Son Myeong-o, un autre membre du groupe de harceleurs, impliqué dans des activités douteuses.​

The Glory a été saluée pour sa narration poignante, sa réalisation soignée et ses performances d’acteurs remarquables, notamment celle de Song Hye-kyo dans le rôle principal. La série a remporté plusieurs récompenses, dont celle de la meilleure actrice pour Song Hye-kyo et de la meilleure actrice dans un second rôle pour Lim Ji-yeon aux Baeksang Arts Awards.

Les auteurs

Scénariste : Kim Eun-sook
Kim Eun-sook est l’une des scénaristes les plus influentes de Corée du Sud. Elle est notamment connue pour ses œuvres à succès telles que Descendants of the Sun, Goblin et Mr. Sunshine. Avec The Glory, elle s’éloigne de ses habituels récits romantiques pour explorer des thèmes plus sombres comme la vengeance et les traumatismes liés au harcèlement scolaire. L’idée de la série lui est venue après une conversation marquante avec sa fille, l’incitant à aborder la question de la violence scolaire et de ses conséquences profondes.

Réalisateur : Ahn Gil-ho
La réalisation de la série a été confiée à Ahn Gil-ho, reconnu pour son travail sur des séries telles que Stranger et Happiness. Son approche visuelle et sa capacité à instaurer une tension psychologique ont grandement contribué à l’atmosphère intense de The Glory. Cependant, il a été révélé qu’Ahn Gil-ho avait lui-même été impliqué dans des actes de harcèlement scolaire par le passé, ce qui a suscité des controverses lors de la diffusion de la série. ​

Production : Hwa&Dam Pictures et Studio Dragon
La série a été produite par Hwa&Dam Pictures, une filiale de Studio Dragon, l’un des plus grands studios de production de dramas en Corée du Sud. Hwa&Dam Pictures est dirigée par Yoon Ha-rim et est connue pour avoir produit plusieurs dramas à succès. La production de The Glory a été entièrement pré-produite, une pratique courante pour les séries diffusées sur des plateformes internationales comme Netflix. ​

Musique : Kim Joon-seok et Jeong Se-rin
La bande sonore de la série a été composée par Kim Joon-seok et Jeong Se-rin.​

La réalisation d’Ahn Gil-ho

La réalisation d’Ahn Gil-ho est d’une grande sobriété sur le plan visuel, mais cette retenue sert parfaitement le propos. Il n’y a pas de démonstration technique ou de stylisation excessive. La caméra est souvent fixe, parfois discrètement mobile, presque invisible, comme pour mieux laisser place à l’intériorité des personnages. Ce choix donne au récit une forme de tension froide, constante, où l’on sent que quelque chose couve sans qu’on puisse toujours l’identifier.

Mais là où Ahn Gil-ho excelle véritablement, c’est dans sa direction d’acteurs. Il laisse le temps aux personnages d’évoluer, il les accompagne dans leur transformation, sans jamais forcer les traits. Chez les anciens bourreaux de Dong-eun, on passe d’une inconscience arrogante, parfois même ridicule, à une panique progressive et fragmentée, chacun à sa manière. Le basculement est subtil, progressif, et d’autant plus crédible qu’il repose sur des détails de jeu : un regard dans le miroir, une respiration saccadée, une voix qui tremble alors qu’elle était sûre d’elle quelques scènes plus tôt.

Il y a aussi un vrai travail sur la gestion du silence, des non-dits, des pauses. Ahn Gil-ho sait quand s’effacer pour laisser l’acteur parler sans mots. Il donne à Song Hye-kyo l’espace pour jouer la retenue, le traumatisme figé, puis la libération lente, sans jamais verser dans le mélodrame. Il dirige aussi très bien les « méchants » : Lim Ji-yeon (Park Yeon-jin) passe de l’assurance froide à une perte de contrôle saisissante, sans caricature. Même les personnages secondaires, comme Hyeon-nam ou Ha Do-yeong, ont des trajectoires internes claires et visibles, sans que cela soit souligné artificiellement.

Ce choix d’une réalisation sobre, presque clinique, rend la série plus tendue, plus lourde, plus crédible aussi. Dans The Glory, l’émotion ne vient pas des gros plans dramatiques ni des musiques emphatiques, mais de la progression inéluctable des personnages vers leur chute ou leur rédemption. Il n’y a jamais de surenchère, et c’est précisément ce calme tendu qui rend le récit si captivant. Une vengeance froide, filmée froidement, mais jouée avec un feu intérieur qu’on sent croître à chaque épisode.

Le Baduk (jeu de Go) et l’art de la stratégie

Le baduk dans The Glory est un élément symbolique et stratégique. Il n’est pas là pour faire joli ou comme simple passe-temps, mais comme une métaphore du plan de vengeance de Dong-eun, de sa vision du monde et des rapports de force. Le baduk devient un langage à part entière, une grille de lecture de ses relations, de ses choix et même de son évolution personnelle.
Quand Dong-eun décide d’apprendre le baduk, c’est un geste calculé. Elle le fait pour acquérir une lecture stratégique du monde, presque militaire. Elle ne cherche pas à jouer pour le plaisir, mais pour comprendre comment encercler, piéger, isoler un adversaire jusqu’à l’étouffement. Le jeu devient l’outil intellectuel de sa vengeance. On retrouve d’ailleurs cette logique dans sa manière de déployer son plan : au lieu d’attaquer directement, elle place ses « pierres », une à une, autour de ses ennemis, jusqu’à ce qu’il ne reste plus d’issue.

Mais le baduk n’est pas seulement un outil de guerre. C’est aussi le moyen qu’elle choisit pour s’introduire dans la vie de Ha Do-yeong, le mari de Park Yeon-jin. Elle sait qu’il est amateur de baduk, un homme rationnel, méthodique, à l’opposé de sa femme. En jouant contre lui, elle ne lui parle jamais franchement, mais elle lui raconte tout. Partie après partie, elle lui fait comprendre qu’il vit dans une illusion, qu’il est encerclé, manipulé. Elle ne le pousse pas à choisir un camp : elle l’amène à constater par lui-même. Ces scènes de baduk sont des duels silencieux, pesants, où l’intelligence et l’intuition priment sur la parole. C’est par le jeu qu’elle tisse un lien avec lui.
C’est d’ailleurs en voulant apprendre à jouer à ce jeu qu’elle rencontre Joo Yeo-jeong, son futur complice et, à bien des égards, son âme sœur. Lui aussi est un joueur. Mais contrairement à Ha Do-yeong, il comprend très vite que Dong-eun ne joue pas pour gagner une partie : elle joue sa vie. Il ne l’interroge pas frontalement, il l’observe, il devine ses blessures, et il choisit de se placer à ses côtés. Le baduk devient alors un langage entre eux deux, fait d’écoute, de respect, et d’un lien silencieux mais profond. Là où tous les autres personnages parlent trop, mentent, fuient, eux jouent.

Le baduk est donc triple dans sa fonction narrative : c’est d’abord un outil d’apprentissage (stratégie et maîtrise de soi), ensuite un levier d’infiltration (pour atteindre Ha Do-yeong), et enfin un lieu de rencontre symbolique (avec Yeo-jeong). Il incarne aussi la grande leçon de Dong-eun : ce n’est pas celui qui frappe le plus fort qui gagne, mais celui qui pense plusieurs coups à l’avance. Elle ne cherche pas à détruire par la violence, mais par l’étouffement progressif — comme dans une partie de baduk bien jouée, où l’adversaire réalise trop tard qu’il a perdu.
Enfin, le baduk donne à la série une élégance supplémentaire : il introduit un rapport au temps, à la patience, à la concentration. Dans un monde où tout va vite, Dong-eun ralentit. Elle place ses pierres lentement, mais sûrement. Et quand la partie se termine, ce n’est pas dans le fracas : c’est dans un silence lourd de sens, comme un coup final posé calmement sur le plateau de jeu.

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