★★★★ « Le jour viendra où tu feras entendre ton nom » – My name – 마이 네임

My Name suit le parcours de Yoon Ji-woo, une jeune femme poussée par un besoin viscéral de vengeance après l’assassinat brutal de son père, Yoon Dong-hoon. Isolée, sans repère, et rejetée par la société à cause de l’identité criminelle de ce dernier, elle cherche à comprendre qui l’a tué et pourquoi. Convaincue que la police est derrière sa mort, Ji-woo se tourne vers le gang mafieux Dongcheon, l’un des plus puissants syndicats du crime en Corée, dirigé par le charismatique et impitoyable Choi Mu-jin. Proche du père de Ji-woo, Mu-jin la prend sous son aile, mais ce lien est ambigu : il agit tour à tour comme mentor, protecteur et manipulateur, l’utilisant pour infiltrer la police à ses propres fins. Sous sa direction, Ji-woo adopte une nouvelle identité – Oh Hye-jin – et intègre la brigade des stupéfiants au sein de la police de Busan, dans le but de retrouver l’homme responsable de la mort de son père.
Là, elle fait équipe avec Jeon Pil-do, un inspecteur droit et méticuleux qui, d’abord méfiant envers sa nouvelle partenaire, finit par gagner sa confiance et même développer des sentiments profonds pour elle. Pil-do incarne la figure de la justice sincère, opposée au système corrompu qui gangrène autant la police que le monde criminel. Son intégrité contraste violemment avec la duplicité dans laquelle Ji-woo est plongée. Mais cette relation fragile est sans cesse menacée par les mensonges de Ji-woo et la brutalité du monde qu’elle infiltre.

À travers cette histoire, My Name explore frontalement le monde opaque et brutal des gangs mafieux coréens, où l’honneur, la fidélité et la trahison sont constamment redéfinis par la survie et le pouvoir. La série montre avec réalisme les coulisses de la criminalité organisée, et notamment la manière dont les mafias opèrent au cœur même des structures officielles, en infiltrant la police et la justice. Le capitaine Cha Gi-ho, chef de la brigade des stupéfiants, mène depuis des années une guerre acharnée contre Dongcheon. Obsédé par la chute de Mu-jin, il représente un autre visage de l’autorité : inflexible, parfois brutal, mais animé par un sens profond du devoir. Pourtant, son acharnement l’aveugle parfois, et il se montre prêt à tout pour atteindre son but, quitte à compromettre ses propres agents.

Dans ce contexte ultra-violent, Ji-woo devient l’image même d’une transformation radicale. Formée par Dongcheon, endurcie dans des combats de rue sanglants, elle évolue en combattante redoutable. Les scènes d’action, spectaculaires et sanglantes, illustrent la violence omniprésente du monde qu’elle habite : un univers sans répit, où les poings, les couteaux et les balles dictent la loi. Mais au-delà des affrontements physiques, My Name dissèque avec finesse la question de la vengeance et de ce qu’elle coûte à l’âme humaine. Tiraillée entre loyauté, culpabilité et vérité, Ji-woo avance seule, perdant peu à peu son humanité dans une spirale de haine, manipulée par ceux en qui elle pensait pouvoir avoir confiance. À mesure que les masques tombent, elle découvre que les vérités sont multiples, que les alliés d’hier peuvent être les ennemis d’aujourd’hui, et que la vengeance, loin de la libérer, l’enchaîne davantage à son passé.

Les comédiens

  • Han So-hee : Yoon Ji-woo / Oh Hye-jin
    — Héroïne de la série, elle infiltre la police pour venger la mort de son père.
  • Park Hee-soon : Choi Mu-jin
    — Chef du cartel Dongcheon, proche du père de Ji-woo, mentor manipulateur.

  • Ahn Bo-hyun : Jeon Pil-do
    — Inspecteur de la brigade des stupéfiants, coéquipier et intérêt amoureux de Ji-woo.
  • Kim Sang-ho : Cha Gi-ho
    — Capitaine de la brigade des stupéfiants, en guerre contre le cartel depuis des années.
  • Yoon Kyung-ho dans le rôle de Yoon Dong-hoon / Song Joon-su
    Le père de Ji-woo et l’ami proche de Mu-jin dont le meurtre déclenche le voyage de vengeance de Ji-woo.

  • Lee Hak-joo : Jung Tae-ju
    — Bras droit loyal et impitoyable de Mu-jin.
  • Chang Ryul : Do Gang-jae
    — Ancien membre du gang Dongcheon, dangereux et rancunier.
  • Créatrice : Kim Jin-min
  • Scénariste : Kim Ba-da
  • Directeur de la photographie : Kim Gi-tae
  • Musique : Hwang Sang-jun
  • Producteurs exécutifs : Han Seok-won, Yoo Jeong-hwan & Kim Seong-su
  • Société de production : Studio Santa Claus Entertainment

Un thriller noir à la coréenne

My Name s’inscrit dans la tradition des thrillers coréens noirs et puissants, un genre qui s’est affirmé depuis les années 2000 comme l’un des piliers du cinéma et des séries sud-coréennes, tant sur le plan narratif qu’esthétique. Cette tradition se caractérise par un ton sombre, une exploration sans concession des zones grises de la moralité, une tension constante entre justice et vengeance, ainsi qu’une violence frontale, souvent stylisée, mais jamais gratuite. My Name reprend ces codes pour les ancrer dans une histoire contemporaine, marquée par la douleur intime de son héroïne et la brutalité d’un système corrompu.

À l’instar de films comme Oldboy, The Man from Nowhere ou I Saw the Devil, la série met en scène un protagoniste solitaire, mû par une perte irréparable, et prêt à franchir toutes les limites pour trouver des réponses. La vengeance devient alors le moteur principal de l’intrigue, mais elle est toujours teintée de tragédie, de doutes et d’ambiguïtés morales. Dans My Name, Yoon Ji-woo incarne cette figure typique du thriller noir coréen : une victime devenue bourreau, dont la quête de vérité l’isole progressivement du monde et l’entraîne dans une spirale destructrice. Comme souvent dans le genre, le spectateur est invité à s’identifier à un personnage qui commet des actes moralement condamnables, tout en comprenant les blessures profondes qui le motivent.
Esthétiquement, la série adopte également les codes visuels du thriller coréen : lumière froide, décors urbains désaturés, nuits pluvieuses, cadrages serrés, et une caméra souvent au plus près des corps pour accentuer la brutalité des affrontements. Les scènes de combat sont filmées avec un réalisme cru, dans des espaces confinés où l’on sent chaque coup, chaque respiration haletante. Cette mise en scène accentue l’idée que le corps devient le principal vecteur de survie et de violence, surtout pour une héroïne féminine évoluant dans un milieu ultra-masculin. Le corps de Ji-woo est meurtri, endurant, sans cesse confronté à la douleur, ce qui en fait un instrument narratif central dans la progression du récit.

En intégrant ces éléments à une intrigue policière tendue, traversée de trahisons et de révélations, My Name ne se contente pas de reprendre les codes du thriller coréen : elle les adapte à la série télévisée, avec une construction rythmée, des cliffhangers efficaces et une profondeur psychologique qui s’amplifie d’épisode en épisode. Le résultat est une œuvre cohérente, où le spectaculaire sert toujours l’intime, et où la violence n’est jamais dissociée du poids émotionnel qu’elle engendre. La série s’impose ainsi comme une nouvelle référence dans un genre où la noirceur n’est jamais un effet de style, mais un prisme pour questionner la justice, la douleur et l’identité.

Une mort nécessaire

La scène de la mort de Jeon Pil-do dans My Name est un moment-clé d’une intensité émotionnelle rare, car elle intervient à l’instant même où un espoir de lumière s’était enfin allumé pour Ji-woo. C’est une scène brève, sèche, brutale — comme souvent dans la série — où la violence ne prévient pas, ne se justifie pas, et ne laisse pas de place à la réaction. Do Gang-jae surgit et tire, fauchant Pil-do d’une balle à la tête. Il n’y a pas de combat, pas de dialogue, pas de ralenti dramatique : juste un meurtre froid, soudain, qui coupe court au bonheur naissant.

Ce choix de mise en scène — l’absence de mise en scène spectaculaire, justement — est une manière de souligner la cruauté du monde dans lequel évolue Ji-woo. La série ne cherche pas à romantiser ou dramatiser à l’excès : elle montre que dans ce milieu, la mort est rapide, imprévisible, et qu’elle ne fait pas de distinctions. Le spectateur est pris au dépourvu, exactement comme Ji-woo, qui n’a pas le temps de réagir. Cette sidération renforce le choc et l’injustice ressentie.
Cette scène me rappelle l’assasinat de Caitlin Todd dans NCIS à la fin de la seconde saison. Alors que Kate se relève, elle prend une balle dans la tête, Gibbs et Tony n’ayant pas vu le tireur. Kate tombe à terre et meurt sur le coup.

Sur le plan émotionnel, c’est un traumatisme supplémentaire pour Ji-woo, d’autant plus cruel qu’elle venait à peine de s’autoriser à ressentir de la tendresse, à confier son passé, et à envisager une sortie possible de son cycle de haine. Pil-do représentait une forme de résilience morale : il ne la jugeait pas, il la protégeait, et surtout, il l’aimait sans condition, même sans tout savoir. Il est la seule personne à lui avoir offert de l’affection sincère après la mort de son père. Sa disparition anéantit tout espoir de reconstruction immédiate et replonge Ji-woo dans un isolement complet, cette fois définitif.
Sur le plan symbolique, cette mort agit comme une bascule narrative. Elle marque le point de non-retour pour Ji-woo. À partir de cet instant, elle n’a plus rien à perdre. Elle n’est plus un pion entre deux camps, ni une infiltrée en quête de réponses : elle devient une exécutrice. C’est cette perte ultime qui la pousse à affronter Choi Mu-jin sans détour. Pil-do était le seul obstacle émotionnel entre elle et une vengeance absolue. Sa mort libère cette rage contenue depuis le début de la série.

Enfin, cette scène ancre définitivement My Name dans la tradition des thrillers tragiques où l’héroïne, même victorieuse, ne sort jamais indemne. La série refuse toute forme de réconfort hollywoodien : il n’y a pas de couple réuni, pas de justice institutionnelle rétablie, pas de happy end. Il n’y a que la vérité nue, la vengeance consommée et une femme qui, au terme de son chemin sanglant, n’a plus que sa solitude pour compagne.

My name

Le titre My Name trouve une résonance particulière dans un des dialogues de Choi Mu-jin, qui dit à Ji-woo :
« Le jour viendra où tu feras entendre ton nom. »
Cette phrase est prononcée alors qu’il la façonne, qu’il l’endoctrine presque, pour qu’elle devienne une arme à sa solde. Elle contient toute l’ambiguïté du rapport entre les deux personnages. Elle ignore tout de sa fausse identité.
Dans ce contexte, le titre « My Name » devient un motif identitaire puissant. Il évoque la question du nom véritable, de l’identité propre, dans un monde où Ji-woo doit se cacher derrière un faux nom (Oh Hye-jin), où elle est arrachée à sa vie, à son passé, et reprogrammée pour survivre dans un univers de violence. Ce que dit Mu-jin, c’est qu’un jour, elle deviendra assez forte pour revendiquer son nom, son histoire, sa douleur — mais ce qu’il tait, c’est qu’il est lui-même en train de lui voler cette identité pour en faire un outil de sa vengeance personnelle.

Le titre fait donc référence au chemin que Ji-woo doit parcourir pour reconquérir son humanité et sa vérité. Au début, elle ne sait plus qui elle est : fille d’un criminel ou victime du système, policière ou tueuse, humaine ou machine. À travers sa souffrance, ses choix, ses pertes, elle reconstruit progressivement ce qu’est son vrai « nom ». Ce nom, c’est aussi celui que l’on porte face au monde, sans masque. Elle commence la série comme une ombre ; elle la termine comme une femme qui, malgré tout, redevient sujet de sa propre histoire.

« My Name » est donc à la fois une promesse faite par Mu-jin — et une trahison — mais aussi une revendication finale de Ji-woo : la possibilité de dire « je » à nouveau, après avoir été effacée, manipulée, instrumentalisée. Le titre fonctionne comme un manifeste silencieux de reconquête de soi, ce qui en fait toute la force symbolique.

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