★★★★ Song Hye-kyo & Park Bo-gum au cœur des amours interdits de « Encounter » (남자친구)

Encounter (남자친구) met en scène une romance improbable entre deux êtres que tout oppose : Cha Soo-hyun, une femme issue du monde des élites économiques, PDG d’un grand hôtel et ancienne belle-fille d’un puissant chaebol, et Kim Jin-hyuk, un jeune homme modeste, libre d’esprit, qui vit simplement à travers ses petits bonheurs du quotidien. Leur rencontre fortuite à Cuba, lors d’un voyage où chacun cherche à fuir, l’une la prison dorée de son existence et l’autre la routine avant d’entrer dans la vie active, va bouleverser leur trajectoire. Dès les premiers instants, une connivence silencieuse s’installe entre eux, faite de respect, de tendresse et de mélancolie partagée.

De retour à Séoul, ils se retrouvent dans un cadre inattendu : Kim Jin-hyuk a été recruté sans le savoir dans l’entreprise dirigée par Cha Soo-hyun. Leur histoire d’amour, née loin de leur pays, doit alors faire face à l’intransigeance d’une société coréenne très hiérarchisée, où la distance sociale entre les individus est souvent infranchissable, surtout dans une même entreprise. La série explore avec finesse la violence silencieuse du monde des chaebols, ces conglomérats familiaux qui dictent encore les règles économiques, politiques et sociales du pays. Soo-hyun, bien que PDG en apparence toute-puissante, est en réalité enchaînée aux intérêts de son ancienne belle-mère qui tire les ficelles du groupe Taegyeong et qui l’utilise comme un pion pour préserver sa position et ses investissements. Son mariage passé, arrangé pour sceller une alliance stratégique entre familles puissantes, a laissé des blessures profondes. Elle est constamment surveillée, critiquée, et privée de sa liberté personnelle, y compris dans le choix d’aimer.

À travers leur relation, la série dissèque la dureté des liaisons amoureuses au sein du monde de l’entreprise : le moindre geste entre eux devient politique. Leur histoire devient une menace pour l’image de l’hôtel, pour les ambitions des actionnaires, pour la carrière de Soo-hyun, et même pour la stabilité des conseils d’administration. Dans un univers où les apparences sont primordiales et où le pouvoir s’exerce en coulisse à coups de pressions, d’intrigues et de chantages, la sincérité devient un acte de rébellion. Jin-hyuk, en tant qu’homme du peuple, devient la cible de nombreuses attaques, directes ou insidieuses. Son amour pour Soo-hyun est jugé illégitime non pas en raison de son caractère ou de ses intentions, mais à cause de son statut social. Il n’appartient pas au bon monde. Pourtant, il reste constant, loyal, refusant de se laisser écraser par l’institution.

La série révèle aussi les compromissions constantes du personnel politique, qui cède aux volontés des grandes entreprises. On y voit comment les décisions publiques sont orientées, voire dictées, par les intérêts privés, illustrant la manière dont les chaebols continuent à peser sur la démocratie coréenne contemporaine. Soo-hyun, pourtant héritière indirecte de ce système, en devient la victime silencieuse : elle est constamment réduite à son rôle de « fille de », « belle-fille de », ou « PDG de l’hôtel du groupe Taegyeong », comme si ses qualités personnelles et ses décisions n’avaient pas de poids face aux attentes du système.


Mais Encounter ne sombre jamais dans le misérabilisme. C’est au contraire une œuvre lumineuse, poétique, qui s’attarde sur les regards, les silences, les paysages, les instants volés. Elle propose une réflexion profonde sur la possibilité de l’amour dans un monde réglé par les calculs. Est-il possible de tout quitter pour un amour jugé absurde par la société ? Peut-on se défaire du déterminisme social ? Jusqu’où peut-on aller pour protéger l’autre de notre propre monde toxique ?

Le duo formé par Song Hye-kyo, dans le rôle de Soo-hyun, et Park Bo-gum, dans celui de Jin-hyuk, fonctionne avec une alchimie discrète mais palpable. Leur jeu tout en retenue traduit l’élégance mélancolique de la série, où chaque geste, chaque sourire contient une décision, un renoncement ou un espoir. Encounter est une romance moderne, tragique et douce à la fois, qui interroge non seulement l’amour, mais aussi la structure même de la société sud-coréenne. Elle oppose la fraîcheur d’un amour sincère au cynisme des alliances politiques et financières, et laisse entrevoir la possibilité d’un autre monde — si tant est qu’on ait le courage d’y croire.

Les comédiens

  • Song Hye-kyo : Cha Soo-hyun
    PDG de l’hôtel Donghwa, fille d’un homme politique influent, ancienne belle-fille du puissant chaebol Taegyeong. Elle incarne une femme froide en apparence, prisonnière de son statut, mais en quête de liberté intérieure.
  • Park Bo-gum : Kim Jin-hyuk
    Jeune homme chaleureux, cultivé et optimiste, d’origine modeste. Il travaille dans le département relation publique de l’hôtel Donghwa après avoir voyagé à Cuba. Son regard naïf mais sincère va bouleverser l’ordre établi.

  • Jang Seung-jo : Jung Woo-seok
    Ex-mari de Cha Soo-hyun, héritier du groupe Taegyeong. Un personnage complexe, ni entièrement antagoniste ni totalement bienveillant, partagé entre ambition familiale et regrets personnels.
  • Nam Ki-ae : Jin Mi-ok
    Mère de Soo-hyun, bourgeoise ambitieuse et manipulatrice, qui pousse constamment sa fille à maintenir les apparences et à préserver leur position sociale.
  • Moon Sung-keun : Cha Jong-hyun
    Père de Soo-hyun, ancien gouverneur et homme politique influent. Il incarne la figure paternelle bienveillante mais impuissante face aux pressions exercées par le monde politique et les chaebols.
  • Kim Joo-heon : Lee Dae-chan
    Patron du restaurant préféré de Jin-hyuk, un homme jovial et bon vivant, représentant le monde simple et chaleureux dont est issu Jin-hyuk.
  • Pyo Ji-hoon (P.O du groupe Block B) : Kim Jin-myung
    Jeune frère de Jin-hyuk, étudiant, personnage léger et affectueux, apportant des touches d’humour et de tendresse familiale.
  • Jeon So-ni : Jo Hye-in
    Amie proche de Jin-hyuk, libraire passionnée de photographie. Elle est amoureuse de lui depuis longtemps, mais accepte dignement qu’il en aime une autre.

  • Yang Mi Jin : Kim Sun-joo
    Directrice marketing de l’hôtel, loyale envers Soo-hyun. Femme compétente et discrète, elle joue un rôle important dans les stratégies d’entreprise.
  • Go Chang-seok : Nam Myung-shik
    Chauffeur de Soo-hyun, ami fidèle et figure paternelle silencieuse. Il veille sur elle avec dévotion depuis de longues années.
  • Kim Hye-eun : Kim Hwa-jin
    Présidente du groupe Taegyeong, mère de Jung Woo-seok, belle-mère de Soo-hyun. Femme froide, calculatrice, incarnant la figure du pouvoir économique implacable.

  • Shin Jung-geun joue le rôle du père de Jin-hyuk, un homme doux, modeste et bienveillant, discret mais profondément fier de son fils. Son personnage incarne la figure paternelle traditionnelle, attachée aux valeurs simples et au respect.
  • Baek Ji-won (백지원) interprète la mère de Jin-hyuk, un rôle plus complexe : aimante mais inquiète, elle exprime ses réserves face à la relation entre son fils et Cha Soo-hyun, redoutant les conséquences sociales et émotionnelles de cet amour entre deux mondes si éloignés. Elle représente la voix de la prudence populaire, lucide sur les rapports de pouvoir et les réalités sociales coréennes.

La série met en avant une galerie de personnages aux profils variés, représentant différentes strates de la société sud-coréenne : les élites politiques et économiques, la classe moyenne en ascension, les employés loyaux, les jeunes idéalistes. Cette diversité permet à Encounter de dépasser la simple romance pour offrir un tableau social nuancé.

La transgression des lignes sociales

Non seulement les chaebols ne voient pas d’un bon œil le rapprochement entre Cha Soo-hyun et Kim Jin-hyuk, mais cette relation, qui transgresse les lignes sociales établies, suscite aussi l’inquiétude — voire le rejet — du côté de la famille du jeune homme, notamment de sa mère. Ce rejet n’est pas fondé sur une question de statut inversé, où l’homme serait d’un rang inférieur à celui de la femme, mais sur la peur bien réelle que cette liaison entraîne plus de souffrances que de bonheur. Jin-hyuk n’est pas seulement un jeune employé sans réseau ni fortune ; il est aussi celui qui devra affronter les conséquences d’un amour jugé impossible par les puissants. Sa mère, femme simple, attachée à une vie tranquille et sans conflit, redoute les retombées de cette relation : l’humiliation publique, les pressions sur leur famille, les obstacles professionnels pour son fils. Elle voit en Soo-hyun une femme d’un autre monde, inaccessible, entourée de murs de pouvoir, de secrets et de scandales potentiels.
De son côté, le monde des chaebols considère la présence de Jin-hyuk comme une menace symbolique et réelle. Il incarne l’intrusion du peuple dans la sphère réservée à l’élite. Ce n’est pas seulement un problème de rang ou d’image : c’est une brèche dans un système social conçu pour se préserver lui-même. Que la PDG d’un grand hôtel, ex-épouse du fils d’un chaebol, s’éprenne d’un employé sans titre ni lignée, cela relève du scandale et du sabotage. Dès lors, les manœuvres commencent : campagnes de presse insidieuses, remises en cause de son autorité au sein du groupe, pressions sur les collaborateurs, menaces sur sa position.

Mais ce qui rend Encounter particulièrement touchant, c’est que l’opposition ne vient pas de figures unilatéralement méchantes. Elle provient aussi de la peur, de l’amour maladroit, de l’expérience amère. La mère de Jin-hyuk veut protéger son fils d’un monde qui broie ceux qui ne s’y soumettent pas. Et même Soo-hyun comprend cette inquiétude, car elle-même en a souffert. Le regard des autres, la surveillance constante, les sacrifices imposés à ceux qu’elle aime : elle en connaît déjà le prix.

Ainsi, la série explore non seulement les violences visibles exercées par le pouvoir économique, mais aussi les résistances invisibles, plus intimes, qui naissent dans le cœur des familles. L’amour, dans Encounter, n’est pas seulement contrarié par l’ordre social : il est aussi mis à l’épreuve par les peurs ordinaires, les blessures anciennes et les rêves d’une vie paisible que l’on veut préserver.

L’appareil photo

Dans Encounter, l’appareil photo de Kim Jin-hyuk joue un rôle bien plus profond qu’un simple accessoire narratif. Il devient un véritable prolongement de son être, un outil à la fois intime et poétique, qui révèle sa manière de percevoir le monde. Cet appareil ancien, à pellicule, qu’il manipule avec délicatesse, incarne la temporalité propre au personnage : celle de l’attente, du regard patient, de l’instant suspendu. À l’heure des téléphones et de l’immédiateté, lui choisit un dispositif qui exige du temps, du soin, du silence.

Pour Jin-hyuk, la photographie est une façon de fixer les émotions — non pas les figer, mais leur donner une mémoire sensible. Il capture des sourires fugaces, des lueurs dans le ciel, une fleur solitaire sur un toit, un regard tourné vers l’ailleurs. À travers ces clichés, il préserve des instants de beauté que le monde pressé et brutal ignore trop souvent. Dans ses mains, l’appareil devient un révélateur de l’âme : il photographie ce qu’il ressent, et non ce qu’il voit simplement. La photo n’est pas un décor ou un artifice, elle est une forme d’écoute silencieuse.

Pour Cha Soo-hyun, habituée à vivre dans un univers de contrôle et d’obligations, les clichés de Jin-hyuk sont une fenêtre vers le réel. Ses photos lui montrent une réalité qu’elle a oubliée : celle de la lumière naturelle, des feuilles qui tombent, des nuages qui passent, des gens qui rient sans arrière-pensée. Ces images sont autant de respirations dans sa vie étouffée. À travers l’objectif de Jin-hyuk, elle découvre un monde qu’elle n’a jamais eu le droit d’explorer, un monde sans jugement, sans agenda, sans mise en scène. Ses photos deviennent pour elle des preuves concrètes que la douceur existe encore — et qu’elle peut en faire partie.

Ce lien particulier entre eux naît pourtant d’un incident presque anodin : une sortie de route de la voiture de Soo-hyun à Cuba, suivie d’un téléphone abîmé, d’un déséquilibre matériel dans un pays qu’elle ne connaît pas. C’est cet imprévu qui permet leur première rencontre. Il lui prête de l’argent pour manger et se chausser, mais elle remarque surtout son vieil appareil photo, celui qu’il tient avec autant de soin. En voulant lui offrir le même modèle, à son retour à Séoul, elle comprend qu’il s’agit d’un objet unique, chargé de sens, et Jin-hyuk lui offre alors celui qu’il a réparé après l’incident.

Ce geste marque un tournant. Pour la première fois, Cha Soo-hyun ne se contente pas de recevoir des images, elle en crée. Elle regarde le monde à travers le viseur, avec lenteur, avec attention, et ce regard change tout. Ce n’est plus seulement le monde qu’elle observe, mais une version douce, apaisée, réconciliée de celui-ci. Elle photographie ce qui l’émeut, ce qui la surprend, ce qui la touche — y compris lui. Quand elle prend Jin-hyuk en photo, c’est sa façon à elle de dire ce qu’elle n’ose pas encore formuler : « Je te vois. » L’appareil photo devient alors le vecteur d’un double changement de perspective, de l’un vers l’autre, mais aussi d’eux vers le monde. La photographie devient l’espace où leurs silences se rencontrent, où la tendresse circule, et où l’amour naît sans bruit.

Les animations de Jamsan

Dans Encounter, les animations qui ouvrent et concluent chaque épisode frappent par leur poésie visuelle singulière. Elles intriguent mais deviennent des incontournables de la série. Conçues par l’illustrateur sud-coréen Jamsan (It’s okay to not to be okay), elles s’apparentent à des pages d’un conte de fées moderne. On y découvre des personnages stylisés, des chevaux ailés, des châteaux éthérés, des papillons en suspension, des ciels d’aquarelle où s’entrelacent le jour et la nuit. Ces saynètes brèves, dessinées en digital painting, évoquent un monde à la fois intime et symbolique, entre rêve et mélancolie. Elles ne sont jamais redondantes, mais toujours en lien subtil avec l’épisode qu’elles encadrent, comme un écho visuel des émotions qui traversent les deux protagonistes.

Jamsan a pu lire les scénarios avant de réaliser ses œuvres, ce qui lui permet d’ancrer chaque animation dans l’évolution narrative propre à l’épisode. Une femme seule sur une île baignée de lumière, un homme assis dans l’ombre, une fleur qui s’ouvre puis se fane, deux silhouettes qui se cherchent sans se toucher : ces images condensent en quelques secondes l’essence d’un moment clé de l’histoire. Elles annoncent parfois une rencontre, parfois une séparation, une hésitation ou une révélation. L’imagerie est simple, mais jamais naïve. Elle épouse la tonalité douce-amère du récit, où l’amour, même sincère, ne peut se déployer sans obstacle.

Ce langage visuel agit comme un prélude émotionnel. En quelques traits, Jamsan évoque le cœur battant de l’épisode, ce qui ne se dit pas encore mais se ressent déjà. Il transpose l’intime en symbole, le regard en lumière, le silence en mouvement. Ses animations sont comme les marges dessinées d’un carnet secret, celui de Soo-hyun et Jin-hyuk, où l’on pourrait lire leurs pensées les plus enfouies.

Loin d’être de simples ornementations, ces vignettes animées forment un pont entre le réel et le rêve, entre l’image et l’imaginaire. Elles nous rappellent que l’histoire de Encounter n’est pas seulement racontée avec des mots ou des dialogues, mais aussi avec des couleurs, des gestes suspendus, et ce souffle visuel qui prolonge le conte de fées fragile que vivent les deux héros.

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