
Something in the Rain raconte l’histoire de Yoon Jin-ah, une femme de 35 ans travaillant comme superviseuse dans une grande entreprise de distribution de café. Alors qu’elle traverse une période morne, marquée par des déceptions amoureuses et une pression sociale constante sur son âge et son statut marital, elle retrouve par hasard Seo Joon-hee, le frère cadet de sa meilleure amie, revenu d’un long séjour à l’étranger. Plus jeune qu’elle de quelques années, Joon-hee a lui aussi intégré le monde du travail dans une entreprise de design sous-traitante, liée au même groupe que celui où travaille Jin-ah. Leur complicité d’enfance se transforme peu à peu en une romance sincère, mais secrète, car leur différence d’âge et leurs liens presque familiaux susciteraient incompréhension et réprobation dans leur entourage.
La série déploie en parallèle une critique lucide et nuancée de la société coréenne contemporaine. Le monde du travail y est décrit avec précision, dans ses hiérarchies rigides, ses dynamiques patriarcales et les abus ordinaires qu’il permet.

Après une longue phase de laisser faire, Jin-ah réagit et a le courage de dénoncer ouvertement les comportements déplacés et le harcèlement sexuel exercé par certains cadres masculins de son entreprise. Si, au début, ses collègues féminines compatissent à sa démarche et reconnaissent avoir subi les mêmes abus, elles se détournent peu à peu d’elle sous la pression croissante de la hiérarchie. Craignant pour leur emploi ou redoutant d’être elles-mêmes ciblées, elles préfèrent garder le silence. L’isolement de Jin-ah s’accentue lorsque même le directeur, initialement favorable à une résolution discrète du problème, finit par la lâcher, craignant que le scandale n’entache l’image de l’entreprise. Jin-ah se retrouve seule face à un système oppressant, subissant des pressions constantes pour renoncer à sa plainte. Malgré tout, elle persiste avec détermination, et va jusqu’à porter l’affaire devant les tribunaux. Elle finit par obtenir gain de cause, une victoire morale qui confirme la justesse de son combat, mais qui a un coût. Devenue persona non grata au sein de l’entreprise, elle est officiellement promue, mais cette « récompense » prend la forme d’une mutation vers un poste isolé, loin du siège, et bien moins valorisant. Sa victoire judiciaire se double ainsi d’une mise à l’écart déguisée, révélant toute l’hypocrisie du système.

La vie privée des personnages n’échappe pas à la pression sociale. Jin-ah vit toujours chez ses parents, comme beaucoup d’adultes célibataires dans la société coréenne actuelle, et subit au quotidien les remarques intrusives de sa mère, une femme autoritaire obsédée par l’ascension sociale, le prestige familial et la conformité aux normes. Pour elle, un bon mariage ne dépend pas de l’amour, mais de l’âge, de la classe sociale, de la fortune et du pedigree familial du futur conjoint. Elle rejette violemment la relation entre sa fille et Joon-hee, perçu comme un simple employé sans statut ni réseau, malgré la sincérité et la bienveillance de ce dernier. Ce conflit intergénérationnel reflète une tension permanente entre les aspirations individuelles et les attentes collectives, notamment celles portées par les mères dans les familles traditionnelles, souvent garantes de la réputation et du statut.

Au cœur de la série, la romance entre Jin-ah et Joon-hee oscille entre moments de tendresse absolue et incompréhensions douloureuses. Bien qu’ils s’aiment profondément, ils peinent à communiquer avec clarté, tant la peur du jugement et la difficulté à s’affirmer pèsent sur leurs choix. Leur relation est sans cesse mise à l’épreuve par les contraintes extérieures : le regard des autres, les non-dits familiaux, les obligations professionnelles, mais aussi leur propre difficulté à verbaliser ce qu’ils ressentent. Le récit, empreint de pudeur et de réalisme, explore ainsi avec finesse la complexité des sentiments, les silences qui blessent, et le courage nécessaire pour aimer en dehors des cadres imposés.

Le titre
Le titre original coréen, 밥 잘 사주는 예쁜 누나 (Bap Jal Sajuneun Yeppeun Nuna), se traduit littéralement par « La jolie noona qui m’achète souvent à manger », une expression légère et affectueuse. Il donne une tonalité plus quotidienne, presque comique ou attendrie, en mettant en avant le point de vue de Joon-hee sur Jin-ah. Ce titre original insiste sur l’intimité naissante entre deux personnes de classes d’âge différentes, avec le surnom noona (누나) que les hommes coréens utilisent pour désigner une femme plus âgée qu’eux qu’ils connaissent bien, presqu’une grande soeur.
Le titre international Something in the Rain, choisi pour la diffusion sur Netflix, adopte une approche plus universelle et émotionnelle. Il met l’accent non plus sur la dynamique familière ou sociale entre les deux personnages, mais sur l’atmosphère globale de la série : ce sentiment diffus, beau et fragile, qui se glisse dans les interstices du quotidien. C’est un titre volontairement flou, qui laisse place à l’interprétation — comme le drama lui-même.

Le titre coréen aborde un thème important de Something in the Rain : la frontière ténue entre amitié et amour, et la question, aussi délicate qu’universelle : peut-on revenir à une relation amicale après avoir franchi cette ligne ? Seo Kyung-sun, la meilleure amie de Jin-ah et la grande sœur de Joon-hee, incarne cette problématique avec une intensité dramatique forte. Lorsqu’elle découvre que son amie d’enfance et son frère entretiennent une relation secrète, ce n’est pas la jalousie ou l’interdit moral qui la heurte en premier lieu, mais la peur de perdre sa « famille choisie », ce noyau affectif solide qu’elle a patiemment construit.
Pour Kyung-sun, la relation qu’elle entretient avec Jin-ah est plus que de l’amitié : c’est une alliance de vie forgée dans la durée, dans les épreuves, dans la complicité du quotidien. La possibilité d’un changement de nature dans les liens — que l’amour sexuel et romantique vienne bouleverser cette stabilité — réveille en elle une peur de la rupture, de la trahison émotionnelle, de la dislocation des rôles. Elle redoute qu’en cas d’échec amoureux, leur trio — elle, son frère et son amie — ne puisse jamais retrouver son équilibre d’origine. Cette peur, que la série explore avec pudeur, n’est pas irrationnelle : elle traduit les incertitudes que beaucoup ressentent lorsqu’un lien intime évolue, et que les rôles se redéfinissent malgré soi.

Loin de juger les personnages, la série met en lumière la vulnérabilité de l’attachement, la difficulté de concilier amour et loyauté, et la crainte profonde de voir ce qui est précieux s’effondrer au nom du désir ou du changement. Dans le regard de Kyung-sun, ce n’est pas seulement son frère qui est en jeu, ni seulement son amie : c’est la configuration affective d’un monde stable qu’elle voit vaciller.
Jin-ha, une jeune femme complexe
Ce personnage est d’une grande complexité. Profondément résiliente, elle encaisse les coups sans jamais céder à la haine. Même lorsqu’elle est trahie par ses collègues, abandonnée par sa hiérarchie, ou humiliée par sa propre mère, elle ne nourrit ni rancune ni esprit de vengeance. Elle avance, droite dans ses convictions, mais toujours seule.
Cette force tranquille cache pourtant une grande fragilité : Jin-ah peine à faire des choix pour elle-même. Elle laisse les autres décider de sa vie, qu’il s’agisse de sa mère, de son patron ou de son entourage, et finit souvent par s’effacer.
Même dans sa relation avec Joon-hee, qu’elle aime sincèrement, c’est elle qui recule, incapable d’affronter pleinement le regard des autres et les conséquences de leur différence. Elle choisit de s’éloigner, comme si elle ne croyait pas mériter ce bonheur. Dans le dernier épisode, ce paradoxe se cristallise avec une force poignante : après avoir démissionné, elle retourne au siège de l’entreprise, non pas pour réclamer justice ou solder ses comptes, mais pour dire au revoir. Sans rancune, elle fait face une dernière fois à ceux qui l’ont persécutée, dans une forme de paix silencieuse qui en dit long sur sa manière d’être au monde. Jin-ah est une femme blessée mais digne, passive dans ses choix personnels, mais inébranlable dans ses principes. Une héroïne douce et têtue, marquée par les contradictions d’une société qui ne laisse guère de place à la nuance.

Vaudeville à la coréenne
La série n’est pas que tragédie sentimentale, elle est pleine de moment de bonheur et de scène hilarante.
L’une des scènes les plus marquantes et théâtrales de Something in the Rain se déroule lors d’un dîner familial chez les parents de Jin-ah, scène qui vire peu à peu au vaudeville tragi-comique (Episode ).
Ce soir-là, à l’insu de Jin-ah, ses parents ont invité son ex-petit ami, qu’ils croient toujours dans la course au mariage, ignorant qu’il l’a trompée et qu’ils sont séparés. Lorsqu’elle découvre sa présence à table, Jin-ah bouillonne intérieurement, mais ne dit mot. Un silence pesant s’installe, que chacun interprète selon sa propre ignorance. Elle se lève, s’absente un instant et revient dans une tenue sexy, robe courte et talons assumés, prétendant que son ex a sans doute besoin de se souvenir de ce qu’il a perdu.

Visiblement un peu alcoolisée, elle lance alors une série de questions dérangeantes, d’abord anodines, puis plus corrosives. Elle demande à son père s’il a déjà trompé sa mère. Le père, offusqué, nie catégoriquement. La mère, un peu gênée, évoque une vieille incartade. Jin-ah rebondit aussitôt et demande ce que sa mère a fait en découvrant l’infidélité. Réponse laconique : « Je l’ai frappé. » Sans prévenir, Jin-ah frappe alors son ex-petit ami en pleine figure, déclenchant la stupéfaction autour de la table. C’est un moment de bascule : la mère comprend, le père aussi, et dans un élan de solidarité tardive mais brutal, il se jette sur l’ex en furie. Acculé, ce dernier tente de se défendre en accusant Jin-ah de double jeu : « Elle aussi voit quelqu’un ! »
C’est à cet instant que la porte s’ouvre sur le frère de Jin-ah… accompagné de Seo Joon-hee. L’ex-petit ami les désigne immédiatement, révélant ce que tout le monde ignorait jusque-là. La tension éclate en une bagarre générale burlesque, mêlant insultes, chaises renversées et règlements de comptes familiaux. Cette scène, à la fois hilarante et amère, met en lumière les tensions accumulées depuis le début de la série : hypocrisies sociales, secrets de famille, incompréhensions générationnelles, mais aussi le désespoir discret d’une femme qui cherche enfin à se faire entendre, fût-ce dans le chaos.

Les comédiens
Son Ye-jin : Yoon Jin-ah
Superviseuse dans une entreprise de distribution de café ; femme célibataire dans la trentaine, confrontée aux pressions sociales, au sexisme en entreprise et à une relation amoureuse secrète avec un homme plus jeune.
Jung Hae-in : Seo Joon-hee
Jeune designer d’animation revenu de l’étranger ; frère de la meilleure amie de Jin-ah, il tombe amoureux d’elle et entretient avec elle une relation profonde mais semée d’embûches sociales.

Jang So-yeon : Seo Kyung-sun
Meilleure amie de Jin-ah et sœur aînée de Joon-hee ; femme indépendante, protectrice envers son frère, qui réagit violemment à la découverte de leur relation.

Kil Hae-yeon : Kim Mi-yeon
Mère de Jin-ah, femme stricte, ambitieuse et traditionaliste, très concernée par le statut social de sa fille et opposée à sa relation avec Joon-hee.
Oh Man-seok : Yoon Sang-ki
Père de Jin-ah, plus réservé que son épouse, mais qui soutiendra finalement sa fille dans les moments cruciaux.
Wi Ha-joon : Yoon Seung-ho
Frère cadet de Jin-ah ; il découvre la relation de sa sœur avec Joon-hee dans des circonstances explosives.

Joo Min-kyung : Geum Bo-ra
Collègue de Jin-ah et amie proche au travail ; elle tente de la soutenir face aux tensions au bureau mais se retire sous pression.
Lee Joo-young : Lee Ye-eun
Autre collègue féminine de Jin-ah, victime elle aussi de harcèlement sexuel ; au départ solidaire, elle finit par céder face aux menaces hiérarchiques.
Seo Jeong-yeon : Jung Young-in
Directrice des ressources humaines ; femme de pouvoir ambivalente, peu encline à prendre le parti des employées harcelées.
Kim Chang-wan : Nam Kyung-sik
PDG de la société de design où travaille Joon-hee ; figure paternelle bienveillante et mentor discret.
Yoon Jong-hun : Kim Seung-chul
Cadre de l’entreprise de Jin-ah, impliqué dans des comportements inappropriés envers ses subordonnées.
Jung Eugene : Kang Sae-young
Ex-collègue et rivale de Jin-ah ; plus préoccupée par son ascension professionnelle que par les questions de justice.
Lee Hwa-ryong : Jo Kyung-sik
Directeur du département de Jin-ah ; peu courageux, il finit par abandonner Jin-ah sous la pression du siège.
Oh Ryong : Lee Tae-min
Jeune collègue masculin de l’équipe de Jin-ah, souvent témoin passif des injustices.
Gong Min-jeung : Choi Yoo-sun
Amie de Jin-ah ; elle apporte un soutien émotionnel dans les moments de doute.
Lee Jae-won : Choi Joong-mo
Ex-petit ami de Jin-ah ; homme manipulateur, qui tente de revenir dans sa vie après l’avoir trompée, déclenchant plusieurs scènes conflictuelles.
Choi Soo-young (caméo) : Journaliste / animatrice radio
Elle intervient brièvement dans une scène liée à la médiatisation de l’affaire portée en justice.

Auteur : Kim Eun (김은)
Réalisateur : Ahn Pan-seok (안판석), réputé pour son approche naturaliste et la justesse de sa direction d’acteurs. Il a notamment réalisé Heard It Through the Grapevine, Secret Love Affair ou encore One Spring Night. Son style visuel privilégie les plans longs, les silences, la lumière naturelle et les dialogues feutrés.
Producteurs : Park Joon-seo (박준서), Ahn Pan-seok (également producteur exécutif), Kim Jong-hak Production (김종학프로덕션)
Société de production : Drama House – société associée à JTBC pour les fictions premium & Content K / Kim Jong-hak Production (김종학프로덕션)
Musique originale : Nam Hye-seung (남혜승)
Compositrice principale de la bande-son de la série. Elle est l’une des musiciennes les plus reconnues dans le domaine des K-dramas, ayant travaillé sur Goblin, Mr. Sunshine, Crash Landing on You, It’s Okay to Not Be Okay, & Park Jin-ho (박진호)
L’OST de la série est particulièrement marquante pour son ambiance nostalgique et feutrée. Elle est constituée en grande partie de reprises de chansons anglo-saxonnes des années 70-80 (Bruce Willis, Carpenters, Rachel Yamagata), qui renforcent l’atmosphère intime, mélancolique et hors du temps du drama.
Un kdrama très cinéma d’auteur
Something in the Rain se distingue nettement du style habituel des K-dramas par une approche formelle et narrative qui rappelle le cinéma d’auteur européen. Le rythme y est volontairement lent, presque contemplatif, loin des rebondissements incessants ou des effets dramatiques artificiels que l’on retrouve souvent dans les dramas coréens grand public. Ici, ce sont les silences qui parlent le plus fort. Chaque regard retenu, chaque hésitation, chaque respiration lourde de sens est laissée à l’écran, sans musique envahissante, sans coupe superflue, comme si le spectateur était assis à la table, témoin invisible d’un moment réel.
Le jeu des acteurs, tout en retenue et en intériorité, épouse cette mise en scène minimaliste. Son Ye-jin et Jung Hae-in incarnent avec une pudeur remarquable des personnages fragiles, hésitants, blessés. Ils jouent autant avec leurs silences et leurs postures qu’avec leurs répliques, souvent brèves. Il y a dans leur manière d’interpréter Jin-ah et Joon-hee une humanité désarmée, parfois maladroite, toujours sincère.

Le découpage visuel de la série est d’une grande sobriété. Les plans sont longs, fixes, sans mouvement de caméra ostentatoire. Les scènes s’étirent dans le temps réel, souvent dans des lieux ordinaires — cafés, bureaux, trottoirs, salons familiaux — sans décor spectaculaire, sans lumière stylisée. C’est une esthétique de la discrétion, presque documentaire, qui fait du spectateur un observateur silencieux des frictions sociales, des non-dits amoureux et des violences quotidiennes.
Cette approche quasi réaliste, douce-amère, évoque autant les films de Eric Rohmer, Mia Hansen-Løve ou Léa Mysius, que les œuvres coréennes intimistes de Hong Sang-soo. Something in the Rain ne cherche pas à séduire par l’excès ou la grandiloquence, mais par sa fidélité aux détails, à la lenteur du quotidien, à la complexité des rapports humains. C’est un K-drama rare, qui assume pleinement sa temporalité étirée, sa narration épurée et sa profonde mélancolie.

