
La série coréenne Itaewon Class raconte l’ascension de Park Sae-royi, un jeune homme marqué dès son adolescence par une succession d’injustices qui vont sceller son destin. Refusant de plier face à la puissance des élites, il se retrouve exclu du lycée, puis incarcéré, après avoir réagi avec violence à la mort tragique de son père provoquée par l’arrogance de Jang Geun-won, fils de Jang Dae-hee, le président du puissant groupe Jangga. Dès lors, Sae-royi se fixe un objectif : réussir par son travail, construire son propre empire, et se venger de ceux qui l’ont détruit. Cette quête de justice devient une lutte acharnée contre un système incarné par le groupe Jangga, symbole d’une élite qui se croit intouchable, au-dessus des lois et du reste de la population.
Dans le quartier cosmopolite d’Itaewon, Sae-royi ouvre son restaurant DanBam, qui devient le point de départ de son projet ambitieux. Autour de lui se constitue le groupe IC, une véritable micro-société où chacun, malgré ses différences, trouve une place et une valeur. Ma Hyeon-yi, une femme transgenre, doit affronter la violence sociale et les discriminations mais affirme son droit d’exister et de vivre selon son identité. Kim Toni, métis coréen-africain, incarne la réalité des minorités raciales souvent invisibles dans la société coréenne. Choi Seung-kwon, ancien gangster, et Sae-royi lui-même, ex-détenu, rappellent combien l’étiquette de repris de justice peut être un fardeau permanent. Pourtant, leur union autour de Sae-royi illustre la possibilité d’une réussite collective fondée sur la loyauté, l’effort et la solidarité, en opposition au modèle corrompu et hiérarchisé du chaebol.

Le récit ne se limite pas à la vengeance et aux ambitions économiques. Les romances s’entrecroisent et participent à la complexité des trajectoires. Oh Soo-ah, premier amour de Sae-royi et employée fidèle du groupe Jangga, incarne la blessure d’une relation impossible entre l’amour et la loyauté intéressée. Jo Yi-seo, jeune femme brillante, ambitieuse et manipulatrice, choisit d’aider Sae-royi à bâtir son empire, tout en nourrissant pour lui un amour sincère, même s’il reste longtemps aveugle à ses sentiments. Elle s’inscrit dans une relation triangulaire avec Jang Geun-soo, demi-frère du principal antagoniste, qui l’aime à son tour mais se perd dans sa propre quête d’acceptation et de reconnaissance. Les liens affectifs deviennent alors une succession de chassés-croisés où chaque personnage doit affronter ses contradictions, entre désir, loyauté et trahison.

Le poids de l’héritage familial traverse l’intrigue : Jang Geun-won, fils aîné de Jang Dae-hee, incarne l’arrogance et la cruauté de ceux qui croient que leur statut leur permet tout, mais il finit par être abandonné par son propre père, prisonnier d’un système qui broie même ses héritiers. Jang Geun-soo, quant à lui, cherche d’abord à s’émanciper de cette famille toxique avant de trahir Sae-royi et de rejoindre l’ennemi, illustrant la difficulté à échapper à l’emprise des chaebols et aux logiques de pouvoir. La vengeance de Sae-royi et du groupe IC n’est donc pas seulement personnelle : elle incarne un affrontement social, une lutte entre ceux qui s’accrochent à des privilèges hérités et ceux qui veulent réussir par leur propre mérite.
Itaewon Class est à la fois le récit d’une vengeance et celui d’une utopie sociale. À travers son microcosme formé par le DanBam, la série interroge la place des marginaux, des exclus et des minorités, tout en rappelant que la dignité humaine ne devrait pas dépendre d’un héritage génétique ou d’un statut social. Elle met en lumière les fractures profondes de la société coréenne contemporaine, entre élitisme destructeur et quête d’égalité, entre héritage oppressant et volonté de s’émanciper, tout en offrant un récit inspirant sur la réussite par le travail, la persévérance et la fidélité à ses valeurs.

Les comédiens
- Park Seo-joon incarne Park Sae-royi, le héros déterminé à se venger du groupe Jangga et à bâtir son propre empire en restant fidèle à ses valeurs.

- Kim Da-mi joue Jo Yi-seo, jeune femme brillante, imprévisible et stratège, qui tombe amoureuse de Sae-royi et l’aide à développer son entreprise.

- Kwon Nara interprète Oh Soo-ah, premier amour de Sae-royi, employée du groupe Jangga, partagée entre sa carrière et ses sentiments.

- Yoo Jae-myung joue Jang Dae-hee, président du groupe Jangga, figure autoritaire et corrompue, symbole de l’élite écrasante.

- Ahn Bo-hyun est Jang Geun-won, fils aîné de Dae-hee, responsable de la mort du père de Sae-royi, arrogant et cruel, mais finalement rejeté par sa famille.

- Kim Dong-hee incarne Jang Geun-soo, demi-frère de Geun-won, amoureux de Jo Yi-seo, qui trahit Sae-royi pour se rapprocher du pouvoir.

- Ryu Kyung-soo joue Choi Seung-kwon, ancien gangster devenu un membre loyal du DanBam.

- Lee Joo-young interprète Ma Hyeon-yi, cheffe cuisinière transgenre du DanBam, qui doit affronter discriminations et préjugés.

- Chris Lyon incarne Kim Toni, jeune métis coréen-africain, symbole des difficultés d’intégration des minorités raciales en Corée.

- Son Hyun-joo apparaît comme Park Sung-yeol, le père de Sae-royi, homme bon et intègre, dont la mort déclenche l’intrigue principale.
- Yoon Kyung-ho joue Oh Byung-heon, un employé de Jangga.
- Kim Hye-eun incarne Kang Min-jung, membre de la direction de Jangga qui finira par aider Sae-royi dans sa lutte contre Dae-hee.

- Won Hyun-joon interprète Kim Hee-hoon, homme de main du groupe Jangga.
- Yoo Da-mi joue Kim Sun-ae, employée de DanBam.

Scénario : Jo Gwang-jin, qui adapte son propre webtoon à succès du même nom publié en 2016 sur Daum Webtoon. Il en conserve la profondeur sociale et la critique des élites coréennes tout en enrichissant la dramaturgie pour l’écran.
Réalisation : Kim Sung-yoon, reconnu pour son travail sur Love in the Moonlight et Discovery of Love. Sa mise en scène cherche à restituer le contraste entre l’énergie vibrante d’Itaewon et la froideur hiérarchisée du monde des affaires.
Production : La série est produite par Showbox, une grande société coréenne de cinéma et télévision, en association avec Zium Content et JTBC Studios.
Producteurs : Kim Do-soo, Park Sung-hye, ainsi que Park Joon-seo et Lee Sang-yoon du côté de Showbox et Zium Content.
Composition musicale : La bande originale a été supervisée par Park Se-joon et plusieurs musiciens de renom. L’OST est marquée par des titres emblématiques comme Start Over de Gaho, devenu un hymne de motivation et de persévérance. Elle mêle ballades, morceaux pop-rock et titres plus sombres pour souligner la tension dramatique.
Impact de la série
L’impact socioculturel de Itaewon Class a été considérable, bien au-delà de son succès d’audience. La série a d’abord marqué par sa capacité à aborder de front des thèmes rarement représentés dans les K-dramas traditionnels : la transidentité avec Ma Hyeon-yi, qui devient un personnage central et respecté malgré les discriminations ; la question raciale avec Kim Toni, métis coréen-africain, confronté au racisme ordinaire et à l’exclusion sociale ; la réinsertion avec Choi Seung-kwon et Park Sae-royi, ex-détenus qui prouvent que l’étiquette de « repris de justice » ne doit pas condamner une vie entière. Le DanBam et le groupe IC forment ainsi une métaphore d’une société idéale, inclusive et solidaire, en opposition à une Corée hiérarchisée où les chaebols écrasent tout sur leur passage.
La critique des élites et des privilèges hérités a profondément résonné avec une jeunesse coréenne marquée par des scandales de corruption et un sentiment d’injustice sociale. Park Sae-royi est devenu un symbole de résistance face à un système perçu comme verrouillé, où la réussite dépend souvent de la naissance plus que du mérite. Sa quête de justice et sa foi dans le travail acharné ont trouvé un écho fort auprès de nombreux spectateurs, renforçant l’idée qu’il est possible de réussir en restant fidèle à ses valeurs.

À l’international, grâce à Netflix, la série a contribué à populariser une image nouvelle de Séoul et de son quartier cosmopolite Itaewon, perçu comme un espace de diversité culturelle. Elle a aussi nourri des discussions sur l’ouverture de la société coréenne aux minorités, mettant en lumière des réalités souvent invisibles dans les productions locales.
La bande originale, notamment Start Over de Gaho, est devenue un véritable hymne générationnel, associée à la persévérance et au dépassement de soi. Des répliques de Sae-royi, comme son refus de se plier face à l’injustice, sont entrées dans la culture populaire coréenne, reprises dans des débats ou sur les réseaux sociaux.
Itaewon Class a également reçu plusieurs prix, notamment aux Baeksang Arts Awards, et a consolidé la réputation de JTBC comme diffuseur de dramas audacieux et novateurs. Elle a aussi inspiré des adaptations internationales, dont une version japonaise en 2022, preuve de son impact transnational.
Park Sae-royi et Oh Soo-ah : la rupture
L’une des scènes les plus subtiles et les plus douloureuses de Itaewon Class se déroule dans l’épisode 12 et concentre toute l’ambiguïté de la relation entre Park Sae-royi et Oh Soo-ah. Leur lien remonte à l’adolescence, teinté d’un mélange d’affection, de culpabilité et d’inachèvement. Soo-ah l’aime probablement, mais son choix d’intégrer le groupe Jangga – l’ennemi juré de Sae-royi – l’a condamnée à rester dans une zone grise, toujours à ses côtés mais jamais pleinement avec lui. De son côté, Sae-royi est prisonnier de sa vengeance, incapable de distinguer où s’arrête la justice et où commence le sacrifice de sa vie personnelle.
Dans cette scène, tout est dit sans être dit. Soo-ah, dans un rare moment de vulnérabilité, tente de poser la question essentielle : peut-il y avoir un « nous » si la vengeance prime toujours sur l’amour ? Elle ne formule pas un ultimatum explicite, mais son regard et ses mots esquissent cette possibilité d’une vie commune qui s’efface devant elle. La mise en scène accentue cette tension : au moment crucial où elle attend une réponse, le téléphone sonne. Sae-royi décroche, et sa réponse n’est pas tournée vers elle mais vers son interlocuteur à qui il explique sa stratégie pour détruire Jangga. Soo-ah n’existe plus… Le contraste est brutal : il ne lui parle pas directement, mais ses paroles résonnent comme une réponse implacable. Oui, sa vengeance passe avant tout. Oui, il est prêt à perdre l’amour pour tenir sa promesse à son père.
Ce qui rend la scène puissante, c’est la dissonance émotionnelle. Soo-ah comprend, dans un silence lourd et dans le vide de son regard, qu’elle n’aura jamais la place qu’elle espérait. Elle est en face de lui, mais plus éloignée que jamais. Lui, absorbé par sa quête, ne mesure pas qu’il vient de rompre avec elle sans même le vouloir. C’est une rupture indirecte, mais d’une cruauté implacable, parce qu’elle naît d’un décalage de priorités et d’un aveuglement dramatique.
C’est aussi un moment charnière dans la narration : Soo-ah, en réalisant qu’elle sera seule, s’enfonce plus profondément dans son choix de carrière chez Jangga, tandis que Sae-royi, sans le savoir, ouvre la voie à Jo Yi-seo, celle qui acceptera de l’accompagner dans sa croisade. L’épisode 12 marque ainsi la fin réelle, bien que non dite, de l’histoire d’amour impossible entre Sae-royi et Soo-ah.



Oh Soo-ah et Jo Yi-seo – Deux miroirs narratifs
Oh Soo-ah et Jo Yi-seo ne sont pas seulement deux figures féminines autour de Park Sae-royi, elles sont écrites comme deux miroirs narratifs, deux chemins de vie qu’il aurait pu suivre, et leur opposition structure en grande partie l’évolution du héros.
Oh Soo-ah représente le passé, l’enfance, la nostalgie et la possibilité d’une vie simple. Elle incarne l’amour qui aurait pu être, celui qui existait avant la tragédie, avant que la vengeance n’envahisse tout. Elle est aussi marquée par les compromis : orpheline, elle a grandi dans la dépendance au groupe Jangga qui a financé ses études, et a donc appris à survivre dans un système corrompu en l’acceptant. Elle aime Sae-royi, mais son amour reste conditionné par un choix impossible : soit elle l’accompagne et perd sa sécurité, soit elle reste dans son monde et perd sa liberté affective. Elle symbolise un amour immobile, fragile, qui attend une décision que Sae-royi ne prendra jamais.

Jo Yi-seo, au contraire, incarne le présent et l’avenir. Elle n’a pas de passé commun avec Sae-royi, elle l’a choisi dans l’instant, fascinée par sa droiture et sa force tranquille. Brillante, ambitieuse, parfois brutale, elle n’essaie jamais de le détourner de sa mission, elle choisit de s’y greffer et de la rendre victorieuse. Contrairement à Soo-ah, elle n’attend pas qu’il change, elle l’accepte tel qu’il est, avec son obsession et ses blessures. Cela fait d’elle un personnage actif, moteur, qui transforme la quête de vengeance en projet collectif et l’amour en énergie créatrice. Elle symbolise un amour en mouvement, exigeant, mais concret.
La dramaturgie de la série repose sur cette opposition. Soo-ah est souvent filmée dans des espaces institutionnels, au sein de Jangga, dans une esthétique froide, cadrée, qui souligne son enfermement dans le système. Yi-seo est filmée dans l’effervescence d’Itaewon, dans des cadres lumineux et dynamiques, qui renvoient à la liberté et au brassage. Là où Soo-ah incarne ce que Sae-royi aurait pu avoir s’il avait renoncé à la vengeance, Yi-seo incarne ce qu’il peut construire en assumant cette vengeance. La scène de l’épisode 12, avec la rupture indirecte, est justement le point où le miroir de Soo-ah se brise. C’est le moment où Sae-royi, sans le savoir, tourne le dos à cette vie possible pour s’engager définitivement dans la voie où Yi-seo sera la seule à pouvoir l’accompagner. Dans ce basculement, le spectateur comprend que l’amour de Sae-royi n’est pas destiné à guérir ses blessures en les effaçant, mais à leur donner un sens en les intégrant à sa trajectoire.

Park Sae-royi et Jang Dae-hee
Au cœur de la construction dramatique de Itaewon Class, il y a deux personnages : Park Sae-royi et Jang Dae-hee, qui sont les deux pôles d’un même axe narratif : le héros ne peut exister qu’en opposition à son antagoniste, et inversement. Leur relation est une sorte de miroir déformant, presque une dépendance mutuelle.
Sans Jang Dae-hee, Park Sae-royi aurait sans doute mené une vie simple, guidée par la bonté et la droiture héritées de son père. Mais la violence de Jang Dae-hee — en couvrant les crimes de son fils et en détruisant la vie de Sae-royi — l’a arraché à cette trajectoire paisible pour en faire un homme obsédé par la vengeance. C’est en affrontant un ennemi aussi puissant, aussi froid et calculateur, qu’il s’est construit. Chaque étape de sa réussite est une réponse directe à l’injustice originelle imposée par Jang Dae-hee.
De l’autre côté, Jang Dae-hee, incarnation du pouvoir corrompu, trouve en Sae-royi un adversaire qu’il n’avait pas prévu. Dans sa vision du monde, seuls les héritiers, les puissants et les stratèges ont droit à l’existence. Or, Sae-royi lui oppose une logique radicalement différente : la dignité, la constance et le travail. Peu à peu, Sae-royi devient l’obsession de Dae-hee, non seulement comme menace mais aussi comme rappel d’une humanité qu’il a perdue. On pourrait presque dire qu’il finit par reconnaître en Sae-royi une sorte de « fils spirituel inversé », un héritier moral qui lui échappe totalement.

La scène des derniers épisodes, quand Sae-royi dit au téléphone à Jang Dae-hee de ne pas mourir trop vite, est d’une force symbolique immense. Ce n’est pas seulement une provocation, c’est une déclaration de dépendance : tant que Dae-hee vit, la mission de Sae-royi a un sens. C’est l’aveu qu’ils sont liés dans un rapport presque existentiel. Dae-hee est la raison d’être de sa lutte, et Sae-royi, en retour, devient la preuve que Dae-hee peut être vaincu. Leur affrontement est une danse de miroirs : l’un incarne le pouvoir hérité et corrompu, l’autre la justice conquise et méritée.
Cette relation indissociable rappelle les grandes figures de la tragédie : le héros et son antagoniste sont condamnés à se définir l’un par l’autre, jusqu’à ce que la victoire de l’un signifie la fin symbolique de l’autre. La victoire de Sae-royi n’est pas seulement économique ou personnelle, elle est aussi existentielle : en triomphant de Jang Dae-hee, il se libère de cette dépendance qui l’a façonné.
A l’origine un webtoon

Itaewon Class est à l’origine un webtoon créé par Jo Gwang-jin, publié en 2016 sur la plateforme coréenne Daum Webtoon. Ce qui est intéressant, c’est que Jo Gwang-jin est aussi le scénariste de la série télévisée : il a donc adapté lui-même son œuvre du format numérique au format dramatique, ce qui explique la grande fidélité de l’adaptation, autant dans les intrigues que dans les dialogues.
Le webtoon avait déjà rencontré un vrai succès avant la série, notamment parce qu’il abordait des thématiques nouvelles pour le public coréen : diversité sociale, minorités, critique des chaebols et de la corruption, quête de justice dans une société verrouillée. Quand Itaewon Class a été adapté en drama en 2020, il a bénéficié à la fois de la base de fans du webtoon et de l’audience internationale grâce à Netflix.
Le style du webtoon est aussi marqué par un fort ancrage visuel : la diversité des personnages (Hyeon-yi la transgenre, Toni le métis, Seung-kwon l’ex-détenu) y est très graphique et frappante. Dans le drama, cela a été conservé et enrichi par le jeu des acteurs, ce qui a permis de donner encore plus d’épaisseur à ce microcosme de société que représente le DanBam.

