★★★★ La saveur des adieux – Chocolate – 초콜릿

La série coréenne Chocolate, réalisée par Lee Hyung-min et écrite par Lee Kyung-hee, explore avec une rare délicatesse la fragilité de la vie, la douleur de la perte et la puissance réparatrice de la compassion. L’histoire se déroule dans une maison de soins palliatifs, lieu où se croisent des destins blessés, des malades en fin de vie et des soignants qui apprennent à accepter leurs propres cicatrices. Au cœur du récit se trouvent Lee Kang, un neurochirurgien brillant mais émotionnellement fermé, et Moon Cha-young, une cheffe cuisinière sensible et généreuse. Leur rencontre, d’abord fortuite puis réactivée par le hasard, devient peu à peu une manière de réparer un passé commun brisé par un malentendu et par la mort d’un être cher.

Le thème central de la série est la fin de vie. Chaque épisode aborde la mort non pas comme une rupture violente, mais comme un processus intime, humain, souvent empreint de beauté et de regrets. Les patients de l’hospice, chacun avec son histoire – un père qui veut revoir son fils, une vieille femme qui attend la visite d’un mari disparu, un enfant condamné trop tôt – servent de miroir aux protagonistes. Les soignants, le personnel médical et la cuisinière découvrent, à travers ces adieux successifs, la valeur du temps, de l’écoute et du pardon. L’hospice devient un microcosme de la société où se tissent des liens inattendus entre les malades, leurs familles et ceux qui les accompagnent. Le rapport entre les parents et les enfants y est souvent douloureux : regrets de n’avoir pas su aimer, culpabilité de partir trop tôt, incompréhensions héritées d’une éducation rigide ou d’une ambition dévorante.

La série met également en lumière les tensions sociales et familiales qui découlent du pouvoir et de l’argent. Lee Kang, issu d’une grande famille de chaebols, a grandi dans un environnement où l’amour se mesurait en héritage et où la réussite passait avant toute humanité. Sa grand-mère, despote affective et gardienne d’un empire économique, voit en lui un héritier potentiel, tandis que son cousin Lee Jun, également médecin, vit dans l’ombre de cette rivalité familiale. La course à l’héritage, ici, symbolise la perte de sens d’un monde où le prestige supplante la sincérité. C’est précisément dans la maison de soins, loin des intrigues familiales et des hôpitaux de luxe, que Lee Kang commence à se reconnecter à la vocation qu’il avait oubliée : guérir, non pour la gloire, mais pour le bien des autres.

La romance entre Lee Kang et Moon Cha-young est le fil émotionnel de la série. Tous deux portent le poids d’un passé commun : enfants, ils s’étaient croisés dans un petit restaurant où il lui avait offert un repas alors qu’elle était affamée, il devait se revoir pour goûter du chocalat, elle n’était pas revenus.

Autour d’eux gravitent des romances secondaires qui enrichissent le tableau émotionnel de Chocolate. Parmi elles, celle du directeur de l’hospice et de son ex-femme, atteinte d’Alzheimer, bouleverse par sa sobriété et sa tendresse. Lui, rongé par la culpabilité, reste finalement auprès d’elle malgré leur séparation, l’accompagnant dans la lente dissolution de sa mémoire. Le spectateur assiste à l’effacement d’un amour ancien et à sa renaissance sous une autre forme, plus pure, faite de patience et de fidélité silencieuse. Cette intrigue parallèle éclaire le propos général du drama : aimer, c’est aussi savoir laisser partir.

Les personnages secondaires – infirmières, bénévoles, patients, familles endeuillées – complètent cette mosaïque humaine où chaque histoire devient une leçon sur la dignité face à la mort. Les soignants, souvent exténués mais profondément dévoués, oscillent entre lassitude et abnégation. L’hospice devient ainsi un lieu de transformation, non seulement pour les malades, mais pour tous ceux qui les entourent. À travers la lente évolution de Lee Kang et de Cha-young, la série montre que la guérison n’est pas toujours physique : elle réside dans la capacité à aimer encore, de se réconcilier avec le passé, et de trouver du sens dans le soin et la présence.

Chocolate est une œuvre empreinte de lenteur et de douceur, une méditation sur la mort et la vie, sur ce qui subsiste quand tout semble perdu. Sa force tient dans son refus du pathos : la douleur y est omniprésente, mais toujours transfigurée par la beauté des gestes simples et des émotions sincères. En opposant la froideur du monde hospitalier et de la compétition familiale à la chaleur de la cuisine et de l’hospice, la série trace un chemin vers la paix intérieure. C’est une ode à l’empathie, à la mémoire et à la renaissance, où la mort n’est plus une fin, mais un passage vers la compréhension de soi et des autres.


Lee Kang et Moon Cha-young

La relation entre Lee Kang et Moon Cha-young dans Chocolate illustre l’un des motifs les plus poignants et les plus caractéristiques des séries coréennes : celui du destin croisé, ou du fil invisible (in-yeon) qui relie deux êtres malgré les séparations, les malentendus et le temps. Leur rencontre enfantine pose d’emblée les bases de cette connexion prédestinée. Lui, fils d’un cuisinier au grand cœur dans un petit restaurant de bord de mer, prépare pour une fillette affamée un repas simple mais inoubliable. Elle, venue par hasard, reçoit pour la première fois un geste d’amour sincère, celui d’un garçon qu’elle promet de revoir pour goûter le chocolat qu’il promet de lui concocter. Mais son départ forcé, dicté par une mère fuyante et instable, rompt brutalement cette promesse. Dès cet instant, le destin des deux enfants se lie autour d’un souvenir gustatif et affectif : la chaleur d’un repas partagé et la douceur du chocolat deviennent les symboles d’un amour interrompu avant même d’avoir pu naître.

Des années plus tard, le destin frappe à nouveau de manière tragique. Cha-young, victime de l’effondrement d’un immeuble, se retrouve piégée sous les décombres à côté d’une femme mourante qui pourrait être la mère de Lee Kang. La femme lui confie une barre de chocolat qu’elle avait achetée pour son fils, dernier geste d’une tendresse maternelle transmise à une inconnue. Ce passage qui va souvent revenir sous forme de flashback, d’une intensité rare, transforme l’objet chocolaté en véritable fil conducteur du récit : il devient la trace matérielle d’une promesse d’amour et de consolation qui traverse la mort et réunit les deux protagonistes.

Devenus adultes, Kang et Cha-young se retrouvent dans un hôpital. Lui est devenu neurochirurgien, brillant mais blessé, enfermé dans un monde où la rationalité et la compétition étouffent la sensibilité. Elle, devenue cheffe, cuisine pour les malades et les oubliés, poursuivant inconsciemment le geste qu’il avait eu pour elle dans son enfance. Mais lorsqu’ils se reconnaissent, le poids du passé, les non-dits et les circonstances empêchent toute confession. Kang part bientôt en mission humanitaire dans un pays en guerre, fidèle à sa vocation de soigner même au péril de sa vie. Il y est gravement blessé, tandis qu’en Corée, Cha-young, persuadée qu’il l’a oubliée, cède aux avances de Min-seong, le meilleur ami de Kang. Cette triangulation sentimentale, fréquente dans les mélodrames coréens, ne relève pas ici d’un simple cliché : elle révèle la culpabilité et la loyauté, ces sentiments qui freinent l’amour plus sûrement que la haine.

Lorsque Kang revient, marqué physiquement et émotionnellement, le destin semble encore les séparer. Par peur de blesser, par crainte d’affronter les conséquences de ses choix, Cha-young s’exile en Grèce. Cet éloignement géographique traduit le besoin de silence et de distance propre aux héros de Chocolate, pour qui l’amour ne se manifeste pas par les mots, mais par la mémoire et le soin. Le lien entre eux ne se rompt pourtant pas. Min-seong, condamné à son tour par la maladie, avoue à Kang ses sentiments pour Cha-young avant de mourir et le pousse à la retrouver pour qu’elle lui prépare une dernière fois un bouillon dont elle a le secret.
Kang part alors en Grèce, à la recherche de celle qu’il n’a jamais cessé d’aimer, mais aimée par son meilleur ami mourant. Cette rencontre brutale faite d’incompréhension est le début réel de la série. Là-bas, au bord de la mer Égée, le temps semble suspendu. Lorsque Cha-young finit par revenir en Corée, leur rapprochement s’opère lentement, mais est semé d’obstacles qu’ils devront chacun aplanir, notamment à travers la rencontres de nombreux patients en fin de vie qui leur révèlent leur propre part d’ombre.

Leur amour, longtemps différé, s’épanouit dans le partage d’une même vocation : celle de réconforter, de nourrir, d’accompagner la vie jusque dans la mort. Dans Chocolate, l’amour n’est jamais spectaculaire ni bruyant ; il se manifeste dans les gestes les plus simples — un repas préparé, une main posée, une présence silencieuse au chevet des mourants. Le destin croisé de Lee Kang et de Moon Cha-young incarne cette idée chère aux drames coréens : l’amour véritable n’est pas celui qui triomphe, mais celui qui persiste malgré les séparations, celui qui se nourrit de compassion et de mémoire. Leur histoire devient ainsi une métaphore du temps et du soin — deux forces capables de guérir les blessures que la vie inflige inévitablement.

Les comédiens

Ha Ji-won incarne Moon Cha-young, cheffe cuisinière passionnée, douce et empathique, qui consacre sa vie à préparer des repas pour les autres. Marquée par un passé douloureux et des blessures émotionnelles profondes, elle trouve dans la cuisine un moyen d’exprimer ce qu’elle ne peut dire. Ha Ji-won, déjà célèbre pour ses rôles dans Secret Garden et Empress Ki, offre ici une interprétation toute en retenue et en émotion, rendant son personnage lumineux malgré la tristesse qui l’habite.

Yoon Kye-sang joue Lee Kang, neurochirurgien talentueux mais tourmenté, prisonnier d’une enfance marquée par la perte et la dureté du monde des chaebols. Son personnage incarne la tension entre la réussite et la compassion, entre la froideur du métier et la tendresse retrouvée au contact des patients en fin de vie. L’acteur, ancien membre du groupe g.o.d et connu pour ses rôles dans The Outlaws et The Greatest Love, livre une performance nuancée, tout en pudeur et en vulnérabilité.

Jang Seung-jo interprète Lee Jun, le cousin de Kang, également médecin. Rival sur le plan professionnel et familial, il symbolise la jalousie et la douleur de ne jamais être reconnu à sa juste valeur. Derrière son ambition se cache une profonde solitude. Jang Seung-jo, révélé dans Encounter et The Good Detective, apporte à ce rôle une densité émotionnelle qui évite le cliché du rival antipathique.

Teo Yoo prête ses traits à Kwon Min-seong, l’ami loyal de Kang et fiancé éphémère de Cha-young. Personnage au grand cœur, il devient malgré lui le pivot tragique du triangle amoureux. Sa bienveillance et son courage face à la maladie font de lui l’une des figures les plus touchantes de la série.

Kim Won-hae joue Kwon Hyeon-seok, le directeur de la maison de soins palliatifs, homme discret et bienveillant qui porte le fardeau d’un amour passé. Sa relation avec son ex-épouse, atteinte d’Alzheimer, est l’un des arcs les plus émouvants de la série. Acteur prolifique du petit écran coréen, connu pour ses seconds rôles marquants dans Strong Woman Do Bong-soon ou While You Were Sleeping, il incarne ici la tendresse silencieuse et la dignité du renoncement.

Laisser un commentaire